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Le stigmate des otakus

Par Yomigues @Yomigues

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Quelque chose m’irrite sérieusement lorsque, je vais dans mes librairies spécialisées, faire mes achats du mois. Mon pied foule tout juste le seuil de la plupart de ces magasins, que je rêve de mettre la main sur un fusil à pompe et de tirer dans le tas.  Je veux repeindre les figurines kawaï qui trônent sur les étagères de rouge sang, de tripes et de boyaux des imposteurs qui se prétendent otaku. J’ai des envies de meurtres lorsque je surprends leurs conversations. « Comment ça va, Jean-Paul-Kun ? » «Bien, et toi, Joséphine-chan ? ». Il leur arrive de me saluer : « Ohayo Romain-Kun », ce à quoi je réponds par  « Ta gueu…, heu, salut Pierre ! Cool, les oreilles de chat ! » « On dit Neko d’abord, Nyaa ! ». Il est temps de remettre les pendules à l’heure et d’expliquer ici-même, ce qu’est un otaku.

L’otaku occidental, l’otaku japonais

 

La différence majeure entre l’otaku occidental et japonais, c’est la perception que l’on en a d’un bout à l’autre du globe. Beaucoup de personnes s’affirment otaku parce qu’elles lisent quelques mangas, ont vu quelques animés et jouent aux jeux vidéo. Dans ce cas, ma propre mère EST une otaku. Il y a donc une tendance chez nous à s’autoproclamer « otaku » à tout va et à  en tirer une fierté car cela véhicule une image positive là où c’est péjoratif au Japon.

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Pour clarifier les choses, il suffit de décomposer le mot. Le « O » provient de l’hiragana et a un sens honorifique comme dans Onii Chan (frère), Otôsan (père)… Le « taku », (Kanji) pour le simplifier, signifie « maison ». Ce mot est donc tout à fait positif à ses origines et désignait une famille vivant sous le même toit.

Comment passe t’on donc d’un terme qui désigne « un membre appartenant à une famille sous le même toit » à « une personne marginale consacrant tout son temps à sa passion » ? Il faut faire un bond en 1983. Dans la revue pour adulte Burrico,  Nakamori Akio est un jeune essayiste qui réutilise ce mot pour désigner une génération qui se consacre essentiellement  au visionnage d’anime, à la lecture de manga ou à l’achat de figurines, de maquettes, ect…

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Ce que le lectorat Japonais de l’époque assimilera sera le côté pathologique de cette passion. On peut en effet affirmer, sans froisser les esprits les plus étroits, que se consacrer exclusivement et uniquement à sa passion EST une forme de fuite de la réalité, l’expression d’un mal de vivre propre à la jeunesse nipponne.  Chose avec laquelle les japonais ont bien du mal dans un pays où la compétition et le statut sont primordiaux : resté cloîtré chez soi à mater Gundam, c’est mal ! L’affaire qui secoua le Japon en 1988 finira d’adouber les craintes du peuple nippon

Le tueur otaku de Saitama (Tokyo)

 

1988 sonne le glas pour les gentils otakus. Une horrible série de meurtres va avoir lieu cette année là. Tsutomu Miyazaki est un  sérial killer de 26 ans, à l’époque des faits. Il tuera 4 fillettes, âgées de 4 à 7 ans. Il violera leur dépouille et ira jusqu’à boire le sang de deux de ses victimes avant de leurs dévorer les mains et les pieds.

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Ci-dessus, le fameux "otaku tueur"

Il sera arrêté en 1989 avant de faire une nouvelle victime. Coup du sort, Tsutomu Miyazaki était un otaku possédant des centaines de manga et DVD anime… Dont certains lui servirent d’inspiration pour ses meurtres. Il utilisa même pour pseudo Yûko Imada, une héroïne venant d’un hentaï violent.

Sa perversité le poussera à envoyer des lettres ou des cendres aux familles de ses victimes pour leur préciser, en détail, ce qu’il avait fait. On lui diagnostiquera une schizophrénie aggravée, avec cependant la pleine conscience de ses actes.  Il n’en fallait pas plus pour ancrer une peur profonde et une forte discrimination envers les otakus.

Bien que certaines productions ont plus ou moins permis de « redorer » l’image des otakus avec le temps(Otaku No Video, Genshiken, Densha Otoko, NHK ni Yokosô), c’est surtout la valeur marchande de ces gros consommateurs qui a fait bouger l’opinion publique. Tout d’abord, parce qu’il n’existe pas qu’un type d’otaku : on peut être otaku de modélisme, de mode ou de tout autre loisir.

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Mais aussi parce que  l’otakisme s’est étendu à l’étranger. Il est donc important de caresser dans le sens du poil ces consommateurs, afin de les décomplexer de leurs statuts jusque là honteux. C’est cool d’être otaku à l’étranger, donc il faut aussi se réjouir de l’être au Japon. Pour autant, cela n’empêche pas les japonais de faire comme si les otakus n’existaient pas. Il semble d’ailleurs coutumier là-bas de fermer les yeux sur certains vrais problèmes de société, comme l’hikkikomorisme ou l’ijime.

Pour conclure, j'espère que cet article vous permettra de mieux comprendre ce qu'est un otaku à l'origine et le paradoxe qu'il est au Japon. C'est un rebus de la société, un marginal qui tend à se faire accepter parce qu'il représente une valeur marketing non-négligeable. De là à dire que l'état Japonais maintient le mal-être de ces personnes pour remplir ses bourses, il n y a qu'un pas...

 

 


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