LinkedIn vient d’acquérir l’américain Bright, expert dans le recrutement basé sur la recommandation, pour 120 M$. Pourquoi un tel montant, supérieur à celui de Slideshare ? Décryptage de l’opération par Alban Peltier …
Après AOL qui a racheté en janvier Gravity pour 90 M$, c’est au tour de LinkedIn de faire ses emplettes parmi les startups expertes de la recommandation, avec Bright.
Tout comme Gravity, j’imagine que vous ne connaissez pas. Pourtant c’est l’acquisition la plus importante pour le réseau social LinkedIn, même légèrement supérieure à celle de Slideshare effectuée en 2012.
Qui est Bright ?
Bright est une jeune pousse californienne créée il y a 3 ans tout juste qui propose l’un des services de recrutement les plus innovants et populaires aux US, avec 7 M de visiteurs par mois. Vous me direz que Monster fait le même métier depuis plus de 15 ans maintenant et que finalement 7 M de visiteurs mensuels c’est peu.
La petite nuance est que Bright propose son service réellement depuis 18 mois, que la croissance est donc très forte, et que surtout l’approche est entièrement basée sur des algorithmes de matching, avec le Bright Score.
En quoi la recommandation bouleverse le métier de job board ?
Bright se targue d’avoir mis 18 mois à développer sa solution, grâce à une équipe d’une quinzaine d’ingénieurs et de data scientists, avec des pédigrées dignes de ceux de la NASA : des PhD de neuroscience, de géophysique, de physique, de physique nucléaire, etc., rien que ça !
Leurs algorithmes analysent de manière très détaillée l’ensemble des composantes du profil du candidat, soit une centaine de variables : les compétences bien entendu (marketing, développement, management, etc.) mais également le type de sociétés fréquentées (Fortune 500, PME, TPE, etc.), le type de formation, le type de secteurs (media, e-commerce, SSII, logiciel, etc.), la propension à changer rapidement de job, les objectifs personnels, la durée des expériences, la compatibilité géographique, certaines qualités grâce à l’analyse sémantique et grammaticale du CV ( rigueur, créativité, etc.), etc.
Une fois cette analyse effectuée, Bright détermine le score du candidat pour un poste ouvert, score visible pour le candidat lui-même et bien sûr pour le recruteur. Ce dernier se verra donc proposer, pour chacun des postes qu’il a pu ouvrir sur Bright.com, une série de candidats triés et recommandés grâce au Bright Score. Cela permet ainsi au recruteur de ne pas perdre de temps avec des profils peu compatibles et au candidat de ne pas se faire d’illusion quant à sa candidature. Un temps précieux gagné !
Les algorithmes fonctionnent bien entendu en « machine learning« . Le machine quoi ? Dérivé de l’intelligence artificielle, « apprentissage automatisé » pour l’académie Française, c’est selon Wikipedia tout « simplement » l’implémentation de méthodes automatisables qui permettent à une machine (au sens large) d’évoluer grâce à un processus d’apprentissage. Bref ça apprend tout seul …
Vous me direz maintenant…
… et vous aurez raison, que cette est approche, 100 % algorithmique, est froide et enlève le peu de folie qu’il peut y avoir dans le recrutement … Cependant, c’est d’une telle efficacité que cette solution de recommandation a convaincu, d’une part, des centaines de clients d’utiliser ce job board (Coca Cola, etc.) et, d’autre part, 2 fonds, Toba Capital et Passport Capital d’injecter 20 M$ tout de même en 2 ans (6 M$ en 2011 pour la Serie A et 14 M$ en septembre dernier pour la Serie B).
Pourquoi mettre 120 M$ ? A mon sens, il existe 2 raisons
- La première est défensive. Acheter Bright empêche Monster ou les autres job boards historiques de le faire. Bright est tout de même le 4ème service de recrutements aux US et connaît une des plus fortes croissances du secteur.
- La seconde est offensive. Bright est la 3ème génération de job boards. Monster a été l’un des précurseurs du recrutement sur Internet il y a plus de 15 ans.LinkedIn et Viadeo, la seconde génération, ont révolutionné le recrutement en ligne en intégrant la dimension sociale.
La 3ème génération de job boards, dont Bright est certainement l’un des pionniers, est basée sur l’algorithme et la recommandation. Une nouvelle dimension est ajoutée et va révolutionner le recrutement comme le digital l’a fait il y a 15 ans puis le social il y 10 ans. Digital / Social / Recommandation, le triptyque magique.
LinkedIn gagne ainsi du temps en intégrant tout de suite cette technologie et les équipes d’experts en recommandation qui l’ont développée. Chez Yahoo, on parlerait d’acquiring (acquisition + recrutement).
Bright.com sera-t-il conservé ? A priori non, le service fusionnera certainement d’ici quelques mois avec LinkedIn qui ajoutera une belle corde à son arc pour renforcer encore sa croissance et son emprise sur ce business.
Et Viadeo dans tout cela ?
Comment notre fleuron national va-t-il réagir face au mouvement stratégique de son grand frère ? Il n’y a pas d’équivalent à ma connaissance de Bright en Europe ou en Asie.
AntVoice, l’un des experts européens de la recommandation, peut certainement les aider à franchir le pas en apportant sa technologie en marque blanche.
Dan appelle nous !