Variation sur un même thème: chez les Russes.

Par Mademoizela

Le fil rouge de cet article sera un filon russe. C'est par un pur hasard que ma liste de lectures en cours s'est mise à graviter autour de ce thème.
J'ai donc lu Enfance de Gorki. Puis, j'ai pioché dans une boîte à livres le 1er de la pile: Pouchkine, La Dame de pique. Moins par hasard, j'ai voulu lier le tout avec Histoire de l'URSS d'Aragon.I. La Russie et moi.
J'ai en tête une image assez ambivalente de la Russie. J'ai l'image rassurante des hivers glaciaux, de paysages enneigés, des feux de cheminée dans les chaumières. Quand je pense à la Russie, je pense aux soirées et veillées familiales illuminées à la lampe à pétrole. Je vois les grands-parents, les parents, les enfants, les petits-enfants agglutinés autour d'une table: les plus âgés racontant des histoires aux plus jeunes dans un respect mutuel, une écoute parfaite. Je ne sais absolument pas où j'ai chopé ces images d'Epinal.  J'ai toujours eu une image assez parfaite de la famille Russe: l'entraide, la solidarité, l'enseignement et la sagesse. Pauvres mais pas malheureux. Miséreux mais enrichis de l'expérience des autres. Quand j'étais petite, j'adorais le nom des patineurs et patineuses Russes. J'adore toujours autant prononcer les noms russes.  Adolescente, je n'aimais qu'un Walt Disney (en fait j'en aimais deux autres: Mulan et Alice aux pays des merveilles, mais ça casse mon fil si je digresse sur ces deux derniers): Anastasia. Je trouvais l'histoire fabuleuse, instructive et puis exit l'aspect conte de fées.  A l'âge adulte, j'ai rencontré mes deux meilleures amies russes: Poliakov et Smirnov. Doucement pervertie l'image enfantine!! C'est vrai que sous l'étiquette magique RUSSIE, jaillit en premier lieu de mon cerveau imbibé le nom de ma douce potion: VODKA.
Et puis, il y a cet autre tenant un peu moins glorieux et plus terrifiant: l'adjectif "russe", je l'associe à la roulette et à la mafia;  deux éléments peu rassurants et bien éloignés de le petite vie tranquille décrite précédemment et de mon opium liquide (si je ne passe pas pour une alcoolique d'ici la fin de l'article, ce sera une aubaine!!). On sait aussi bien que les Russes ne dévoilent rien; tout est secret défense. Et, le premier russe qui me vient à l'esprit, c'est quand même Staline. On est de plus en plus loin de l'idéalisation de ma jolie petite chaumière chaleureuse dans ma toute petite campagne enneigée.
II. La Russie en littérature
Le roman de Gorki, Enfance, est une autobiographie fictive en apparence mais il s'agit d'une fausse fiction puisqu'à travers la vie d'Alexis, c'est celle de Maxime Gorki qui est dévoilée. C'est l'histoire d'Alexis dont le père est décédé et que la mère a d'abord  abandonné, puis repris puis définitivement délaissé. Ses grands-parents l'élèvent. Son grand-père et sa grand-mère sont très présents dans son éducation: le grand-père l'instruit en lui racontant des faits historiques, alors que la grand-mère lui raconte des histoires plus ou moins romancées sur la vie du père, des légendes auxquelles le gamin va croire dur comme fer. Finalement, je me rends compte que ma vision imaginaire enfantine de la Russie et de la famille Russe trouve un véritable écho dans le récit de Gorki. Il va falloir que je fouille mes origines et que j'analyse mon arbre généalogique. Aurais-je un petit côté "Mademoiselle Akdov"?La relation que le petite Alexis entretient avec sa grand-mère est formidable: cela me rappelle un petit peu la mienne quand elle me racontait souvent des histoires de sa jeunesse. Bref, ce n'est pas le sujet.L'image du grand-père terrifiant qui raconte l'histoire mais qui laisse de nombreux points de suspension, qui passe sous silence de nombreux faits rappelle effectivement tous les secrets Russes. Tout y est dans ce livre: Gorki dépouille à merveille les personnages. Il les dépeint tels qu'ils sont avec tantôt la sensibilité tantôt la cruauté humaines. Il montre une réalité qui n'est pas toujours rose et que la loi du plus fort est souvent la meilleure. La seule hiérarchie qui existe est celle de la force: le patron aura toujours l'ascendant sur l'ouvrier, le riche sur le pauvre, le grand sur le petit, l'homme sur la femme. On accepte de se faire tabasser sans se révolter si notre bourreau est plus fort que nous. C'est la logique. C'est la loi. C'est la Russie. Autant dire que passage à tabac des femmes (la grand-mère, la mère) par le grand-père est difficilement lisible d'autant plus que l'acte est tout à fait banalisé et normal.Un roman très intéressant en somme. Parallèlement, j'ai lu La dame de pique de Pouchkine. Une nouvelle fantastique. C'est l'histoire d'un jeune homme qui tue involontairement une comtesse juste après lui avoir demandé de révéler son secret qui lui permettait de gagner au jeu. Va commencer un conflit de conscience: "ai-je tué la vieille en la menaçant?" La Dame de pique représente aussi bien la carte, la brune du jeu mais aussi la figure de femme: la mégère. La vieille reparait pour le hanter: illusion d'une mauvaise conscience ou véritable spectre?  Pouchkine joue sur tous les registres avec brio et met en scène de façon spectaculaire l'obsession fatale d'un homme aux prises avec sa conscience. Enfin, l'œuvre de Louis Aragon: Histoire de l'URSS. C'est assez compliqué à lire. Cet essai est à mettre dans les mains d'initiés ou de fin connaisseurs de l'URSS, de l'Histoire en général. Dès qu'arrive la période 1936-1939, je réussis à comprendre ce que dit Aragon parce que j'ai quelques connaissances "solides" sur cette période. Rien ne me semble hermétique. En revanche, certaines références me semblent hors de portée. Il ne faut pas lire Histoire de l'URSS si on veut apprendre "des choses"; il faut le lire en complément pour perfectionner son savoir.      Lire Histoire de l'Urss sans avoir potassé quelques manuels d'Histoire n'avance pas à grand chose. (C'est comme porter un Wonderbra quand on n'a pas de seins: ça fait l'effet inverse... Ca creuse)
 En tout cas, les passages concernant la seconde guerre mondiale sont vraiment intéressants. On a le point de vue d'un journaliste (poète, essayiste, romancier,......) français sous l'angle d'un expatrié en Urss. J'ai trouvé ces passages formidables. Et, ceux que je n'ai pas trop captés ont aiguisé ma curiosité et titillé ma soif de savoir. L'œuvre d'Aragon n'est qu'un tremplin pour asseoir une culture, qui, une fois bien installée sera sublimée par son Histoire de l'Urss. Il y a encore du chemin...Et puis, j'aime   Aragon...inconditionnellement ...   Exploitons le filon...JJG, ROUGE.