De bonnes choses et quelques effets d’annonce comme toujours dans ce plan cancer 3 dévoilé par le Président de la République le 4 février dernier, plan que je ne décrypterai pas en détail ici puisque vous avez sans doute lu et entendu beaucoup à son propos depuis la semaine dernière. J’ai préféré me pencher sur une mesure passée sous silence qui pourtant pourrait contribuer à changer les choses de façon significative pour les patients !
Voici pour commencer quelques mesures phares en vrac largement relayées par les médias : remboursement des examens complémentaires (échographie) lors du dépistage du cancer du sein, généralisation du dépistage du cancer du col de l’utérus, doublement de la prise en charge des prothèses capillaires (pas les prothèses mammaires, pourquoi ?), suppression du reste à charge concernant la reconstruction post mastectomie, facilité d’accès aux soins de support, augmentation des inclusions des patients éligibles dans les essais thérapeutiques, renforcement de la lutte anti-tabac et le déjà fameux droit à l’oubli avec la révision prévue de la convention AERAS. Des mesures attendues par tous à suivre de près!
Ce dont on a peut être moins parlé, c’est le chapitre « Permettre à chacun d’être acteur de sa prise en charge p.68 et suivantes et plus particulièrement de l’action 7-15 : « soutenir des expériences de participation de patients-ressources bénévoles dans l’accompagnement de personnes atteintes de cancer et dans la formation des professionnels de santé et évaluer leurs apports et les conditions de réussite (modes de recrutement, formation des bénévoles …) ». C’était une des propositions que j’avais faite lors de mon audition par l’équipe du professeur Jean Paul Vernant qui s’était montré très à l’écoute.
Dans d’autres pathologies chroniques comme les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, certains hôpitaux ont déjà des programmes d’éducation thérapeutique bicéphales patient /professionnel de santé qui fonctionnent très bien. Il est donc facilement imaginable de transposer ce qui marche déjà pour les MICI à une maladie comme le cancer.
Mais cette mesure est plus ambitieuse puisque ces patients ressources pourraient aller jusqu’à former les professionnels ! Et ça ce n’était pas gagné ! C’est déjà le cas dans certains pays comme le Canada (Quebec) où l’expertise du patient est reconnue et où certains d’entre eux participent à la formation initiale des médecins. Alors rêvons un peu et imaginons des malades devant nos étudiants en médecine enseigner comment annoncer un cancer, l’importance de l’écoute, la vie avec les traitements, la gestion des effets secondaires, l’après …. Et allons plus loin (soyons fous), des patients qui expliqueraient leur expertise de la maladie, le partenariat médecin/patient, l’importance de la négociation, de la décision partagée !
Pour être tout à fait exacte, j’avais demandé beaucoup plus (bien sur), notamment, une rémunération de ces patients que j’avais appelés « experts » et non « ressources », terme choisi probablement afin de ménager certaines susceptibilités. Cette rémunération aurait été gage de pérennisation et largement compensée par une diminution des couts liés à l’inobservance ou les nombreuses consultations aux urgences par exemple.
C’est d’ailleurs ce que précisent les auteurs de cet article « le patient formateur, élaboration théorique et pratique d’un nouveau métier de la santé » paru sur le site de l’IRDEF (laboratoire Interdisciplinaire de recherche en didactique, éducation et formation) : « Approché ce modèle (ndlr : celui des sapeurs pompiers) aux patients formateurs, une petite partie de patients formateurs rémunérés parmi un ensemble de bénévoles ou de volontaires organisés selon les disponibilités et les conditions de service de mission d’intérêt général pourrait ainsi participer à diminuer les coûts engendrés par les problèmes d’observance et par les autres problèmes de surcoûts, tant d’ordres financiers, de déficit de qualité de vie, qu’énergivores en ressources humaines. Ne serait-ce pas ce dont ont besoin les systèmes de santé de plus en plus contraints ?
Second bémol : si on lit bien, on se limite à soutenir des expérimentations et à les évaluer sans s’étendre sur la mise en œuvre concrète. On est en droit de se demander : Qui se lancera dans l’expérience ? Comment et avec quels soutiens ? Qui évaluera ? Selon quels critères ?
D’ailleurs, si on y regarde de plus près, on trouve beaucoup de verbes flous concernant les moyens exploités pour que les mesures de ce plan se transforment en réalité : identifier, étudier, réfléchir, expérimenter, recommander, faciliter, favoriser, évaluer ….. Plutôt que mettre en place, produire, développer, garantir ….
J’ai lu beaucoup de choses sur internet récemment le concernant. Des médias traditionnels qui louent son ambition et des voix émanant notamment d’internautes plus sceptiques. Evidemment les plans précédents peinent à se mettre en place de façon généralisée et certaines mesures sont même restées au stade de vœux pieux. Evidemment on attend toujours plus : quid par exemple de la prévention primaire en dehors du tabac, des essais cliniques dans les cancers pédiatriques, de la place des psychologues dans le parcours de soin, du reste à charge et j’en passe ! Oui oui et oui. Mais d’autres pays n’ont pas la volonté de mettre 1,5 milliards d’euros sur la table pour améliorer la prise en charge de leurs congénères atteints de cancer.
La critique est facile et ce plan est effectivement critiquable et incomplet mais au non à tout va je préfère le oui … oui mais ! Oui à ce plan même s’il est perfectible mais surtout, soyons vigilants ! Vigilants à ce que les mesures aboutissent à des actions concrètes, et bien sur que ces actions soient généralisées rapidement sur tout le territoire. C’est l’engagement que doit prendre l’INCa en charge de sa mise en œuvre.
Plutôt que faire un billet à charge (j’aurais trouvé matière :)), je préfère être optimiste et espérer que les choses avancent vite pour nous tous parce que nous n’avons pas le temps d’attendre !
Catherine Cerisey
A lire : le patient formateur, élaboration théorique et pratique d’un nouveau métier de la santé
Pour télécharger le plan cancer rendez-vous sur le site de l’INCa