L’Union Bancaire (2/2)

Publié le 11 février 2014 par Sia Conseil

Ces derniers mois, l’Union Bancaire a été un des sujets les plus discutés par l’industrie des services financiers en Europe.

Dans cette seconde partie, nous nous focaliserons sur les trois piliers de la future Union : le mécanisme de supervision, le mécanisme de résolution et le système de garantie des dépôts.

Le Mécanisme de Supervision Unique

Le premier pilier – et le plus avancé – correspond au Mécanisme de Supervision Unique (MSU) que le Conseil de l’Union européenne est en cours de discussion. Il confèrera à la Banque Centrale Européenne des tâches spécifiques en matière de politique de supervision prudentielle des institutions de crédit sur la base de l’Article 127 – paragraphe 6 – du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE).

L’objectif du MSU est de contribuer à la rupture du cercle vicieux entre les notations souveraines et les banques et d’ainsi résoudre le « trilemme financier ». Ce trilemme peut être défini comme l’impossibilité de maintenir la stabilité et l’intégration financière tout en maintenant des politiques financières nationales dans un marché financier intégré. Dans une union monétaire avec un degré d’interconnexion élevé entre les institutions financières et les marchés, les problèmes propres à un pays peuvent rapidement se propager. De tels problèmes devraient être mieux évalués et corrigés par une autorité de supervision centralisée qui disposerait d’un regard extérieur sur l’intégralité du secteur bancaire de l’Union que par la simple coopération entre des autorités nationales[1].

Afin de remplir cette mission, le MSU – qui devrait être opérationnel d’ici à l’automne 2014 – comprendra deux entités de régulation :

  • La Banque Centrale Européenne qui sera responsable du fonctionnement d’ensemble du MSU
  • Les autorités nationales compétentes au sein de l’Union monétaire

La principale raison de privilégier la BCE par rapport à l’Autorité Bancaire Européenne (ABE, qui est le gardien du marché unique européen en terme de supervision bancaire) est probablement que la BCE est au cĹ“ur de la zone euro et qu’elle joue un rôle crucial dans la gestion de la crise. Néanmoins, la BCE s’appuiera sur un « recueil réglementaire unique » rédigé par l’ABE.

Comme une supervision directe de toutes les banques en Europe est impossible, la BCE sera à la tête d’un système au sein duquel elle supervisera les banques remplissant une des conditions suivantes :

  • Avoir un bilan supérieur à 30 Mds â‚Ź
  • Représenter un poids supérieur à 20% du PIB de l’Etat membre dans lequel elle est présente avec un bilan supérieur à 5 Mds â‚Ź
  • Etre parmi les trois banques les plus importantes de l’Etat membre dans lequel elle est située
  • Avoir des activités transfrontalières significatives
  • Etre récipiendaire d’une aide de la part des programmes de la zone euro

Les autres banques resteront sous le contrôle des banques centrales nationales. Néanmoins, la BCE disposera d’un « droit d’évocation » lui permettant d’inclure ces autres institutions dans le périmètre de son contrôle direct si elle l’estime nécessaire.

Le Mécanisme de Résolution Unique

Le second pilier a pour principal objectif de recapitaliser ou de restructurer directement les institutions financières en difficultés à travers un « Mécanisme de Résolution Unique ». L’organisation du sauvetage à un niveau supranational devrait réduire le risque que les autorités nationales se montrent complaisantes pour les banques de leur propre pays.

A l’origine du MRU se trouvent le Fonds Européen de Stabilité Financière (FESF) et le Mécanisme Européen de Stabilité Financière (MESF) qui avaient pour objet de secourir les Etats en difficulté financière. En juin 2012, les dirigeants européens ont cherché à créer un système analogue pour aider les banques en difficulté. Cette proposition a été validée en juin 2013 par les 17 ministres des finances de la zone euro et le Conseil Ecofin du 18 décembre 2013 a validé les orientations générales du fonctionnement du MRU. Il revient désormais à la présidence grecque de l’Union Européenne de mener les discussions avec le Parlement Européen afin que le règlement puisse être adopté avant la fin de la législature (mai 2014).

En l’état actuel, la proposition décrit quand et comment le MRU peut être sollicité à travers un mécanisme en cinq étapes présenté ci-dessous :

L’objectif du mécanisme est de forcer les actionnaires et les créanciers à assumer leurs pertes (bail-in) afin de mettre un terme aux pratiques de sauvetage des banques en difficultés par les gouvernements et les contribuables (bail-out). Pour reprendre les termes de JĂśrg Asmussen, membre du Conseil de la BCE : « Bail-outs out ! Bail-ins in ! »

Cette procédure uniforme pour la résolution des difficultés des banques donnera plus de visibilité aux investisseurs et limitera les risques de complaisance. De plus, comme la Commission européenne est la seule compétente à prendre des décisions en matière de résolution, les temps de réaction seront plus courts et le processus de restructuration s’en trouvera accéléré. Par ailleurs, le fonds unique de résolution nécessaire au sauvetage des banques sera alimenté par des versements des banques qui seront progressivement mutualisés au cours d’une période transitoire de dix ans[2]. Les fonds privés se substitueront ainsi progressivement aux fonds publics.

Le système de garantie des dépôts

Le troisième pilier de l’Union Bancaire est également le moins avancé : il s’agit du système de garantie des dépôts. Ce pilier cherche à protéger les dépôts tout en simplifiant et en harmonisant les systèmes nationaux de fonds de garantie. Le système se focalise sur les petits épargnants et les PME qui n’ont pas les moyens d’évaluer la structure de leur banque. De fait, le principal objectif est d’améliorer la confiance de ces acteurs quant à la sécurité de leurs dépôts, ce qui pourrait contribuer à réduire le risque de panique bancaire. A long terme, 95% des dépôts devraient être couverts[3].

Même si ce troisième pilier est important pour finaliser l’Union Bancaire, il n’a pas encore fait l’objet de discussions officielles détaillées et cela principalement parce que les deux premiers piliers sont plus importants et peuvent commencer à fonctionner sans lui. De plus, l’objectif du régulateur est que le premier pilier soit suffisamment robuste pour que le troisième ne soit jamais utilisé. Néanmoins, les principales caractéristiques de ce système de garantie des dépôts sont déjà connues : il sera basé sur un fonds européen dédié et garantira les dépôts jusqu’à 100 000 euros en cas de défaut d’une institution financière.

Le financement du système fait toujours l’objet de débats. Deux possibilités sont examinées : soit assoir le fonds de garantie sur les systèmes nationaux préexistants et les compléter par un mécanisme de réassurance supranational, soit créer un fonds européen unique, financé ex ante, ce qui serait plus cohérent avec la volonté de rompre le lien entre les banques et les Etats.

Conséquences et limites

Le système bancaire européen souffre d’un problème de confiance et semble avoir besoin de changements. Les investisseurs sont toujours incertains quant à la robustesse des bilans des banques, quant à la rigueur de la supervision et quant aux moyens d’Etats aux ressources contraintes et de banques qui ne sont plus viables. Un consensus existe sur la nécessité des trois piliers de l’Union Bancaire et sur leur capacité individuelle à répondre à de nombreux problèmes de la zone euro. De plus, ils seront indispensables pour restaurer la confiance, pour assurer la qualité des actifs et pour faire en sorte que même les banques dont la taille est significative (« too big to fail ») puissent être restructurées.

Il n’est cependant pas certain que ces mesures soient suffisantes pour assurer le bon fonctionnement du système financier européen. En tout état de cause, il ne faut pas espérer que l’Union Bancaire résolve tous les problèmes, et certainement pas rapidement : même si les travaux préparatoires ont commencé, le premier pilier doit toujours être mis en place, sans mentionner les deuxième et troisième piliers pour lesquels le calendrier de déploiement n’a pas encore été décidé. Au-delà des questions de calendrier, l’imbrication entre l’Union Bancaire et les autres initiatives pour juguler les problèmes du système financier n’est toujours pas claire. En effet, l’Union Bancaire ne couvre ni le financement non bancaire, ni le rationnement du crédit, ni encore le risque de contagion globale. Néanmoins, l’Union Bancaire est une évolution nécessaire, quoique complexe, qui accélèrera très certainement la reprise pour le système bancaire européen et qui fournira une protection pour tout le système financier.

Sia Partners


[1] : ECB – Establishing the Single Supervisory Mechanism

[2] : Le mécanisme de résolution unique pour l’union bancaire

[3] : COM(2010)369 final – RAPPORT DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU CONSEIL – Réexamen de la directive 94/19/CE relative aux systèmes de garantie des dépôts


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