Le terme est de Louis Aragon : raconter le réel par la fiction. C'est aussi un art bien établi dans la rhétorique politique, qu'on peut décrire, moins poétiquement que pour le contes d'Aragon, comme la fiction pour « enrober » un temps le réel qu'on est pas pressé de dévoiler.Pour le nucléaire, il serait question aujourd'hui de remplacer des vieilles centrales de production électrique nucléaire par des EPR, le dernier avatar technologique français de réacteur.Le premier voile de la danse a été doucement enlevé fin de l'année dernière avec l'indication suivante : «La loi sur la transition énergétique se bornera à poser le principe d’un plafonnement à son niveau actuel de notre capacité de production nucléaire.»Puis, une belle interprétation, due semble-t-il à M. Proglio, le patron d'EDF lève un deuxième voile avec ce savant mentir-vrai :puisque d'ici 2050, (date à laquelle devait se mesurer la promesse de réduire à 50% la part d'électricité nucléaire), la population aura augmenté d'environ 6 millions de personnes et la consommation d'électricité produite par les nouvelles technologies augmenté, la part relative-toute l'astuce est là- d'électricité nucléaire sera moindre qu'aujourd'hui.Est-ce totalement idiot ?Non, la nécessité de la lutte contre le chômage viendra enjoliver cette argumentation : Si sur les mêmes emplacements qu'ils occupent aujourd'hui, nous remplaçons les réacteur trop anciens par des EPR, cela coûterait moins cher que de prolonger la vie des anciens et serait plus sûr.
Or, l'EPR est français et, en principe, exportable. Nous créerions une forte demande de main d’œuvre qui aiderait à résorber le chômage. CQFD !Premier mais : que l'EPR s'avère ou non réellement plus sûr, ce que l'on saura lorsqu'il sera en fonctionnement, cela reste une cocotte minute nucléaire. Sous l'argumentation économique disparaît la notion de risque humain impossible à évaluer par des savants calculs, comme l'a montré Fukushima.Deuxième mais : on ne lance pas un tel projet pour trois jours, mais pour les suivants 30 ou 40 ou 50 années. Le coût est énorme et il restera toujours celui du démontage en fin de vie, que personne aujourd'hui n'est capable d'estimer sérieusement, les évaluations variant de 1 à 10, voire beaucoup plus, selon le spécialiste qui parle. L'investissement serait tel que ce qui resterai pour les autres filières, non nucléaires, serait réduit à des bricoles.Troisième mais : oui, l'EPR est français et nous resterions les champions du nucléaire pour l'électricité. Pendant que d'autres développeront les autres filières creusant notre dépendance technologique pour le jour où il faudra s'en servir. L'Allemagne, par exemple, mais pas qu'elle.Quatrième et dernier mais : Oui, le chômage est une priorité indiscutable, mais un investissement majeur, qu'il faudra faire quelle que soit le choix fait (nucléaire ou alternatives) est de taille, par lui-même, à enclencher le mouvement d'absorption du chômage. Dans un cas avec un risque humain et environnemental non mesurable actuellement avec un minimum de crédibilité, dans l'autre sans risque humain et avec un risque environnemental « de décor » et non de destruction. Il faut à nouveau tourner les yeux vers Fukushima : combien de populations déplacées ? Combien d'années pour rendre le sol « dénucléarise » ?Les avaleurs de couleuvres sont déjà à l’œuvre. Y-aura-t-il un débat citoyen ouvert, clair, vrai-vrai sur une question d'une telle importance ?©Jorge