Magazine Humeur

L’âge d’or du libéralisme français

Publié le 11 février 2014 par Copeau @Contrepoints

Par Mathieu Laine.

Age d'or
L’Âge d’or du libéralisme français est un véritable trésor. Une mine remplie des plus beaux diamants intellectuels que la pensée libérale a pu produire. Le travail de sélection de Robert Leroux1 et David M. Hart2, passés maîtres dans l’art subtil et savant de l’extraction des plus beaux textes – et ils sont nombreux ! – que le XIXe siècle a offerts à l’humanité, produit l’effet d’un souffle vertueux.

Du grand Benjamin Constant au visionnaire Gustave de Molinari (son Ultima verba est prophétique) en passant par le génie de Jean-Baptiste Say, l’audacieuse et courageuse Germaine de Staël et l’immense Frédéric Bastiat, c’est un feu d’artifice de liberté qui explose à chaque page, un délice pour l’œil, l’esprit, l’éthique universelle et personnelle.

Car ces textes ont en commun d’allier la finesse et l’élégance de la plume, la précision du raisonnement, une puissante modernité et une incroyable capacité d’innovation dans des champs aussi variés que l’économie, la sociologie, la philosophie, le droit ou la morale.

Bien entendu, c’est pour la succession inédite de ces grands penseurs de la liberté que le XIXe siècle peut effectivement être considéré comme un véritable « âge d’or » pour le libéralisme français, et non pour les politiques menées (autoritarismes napoléoniens, régimes monarchiques conservateurs, la Révolution de 1848 marquée par l’opposition violente entre divers courants constructivistes, etc.). Mais c’est bien le bonheur de cet ouvrage de nous replonger dans une pensée qui a su résister aux tyrans comme aux modes et penser avec tant de justesse l’action humaine face aux interventionnismes de toute espèce.

De cette heureuse promenade, qui puise parfois dans le célèbre Journal des économistes du visionnaire Gilbert Guillaumin, on retiendra notamment, sans goût prononcé du paradoxe, que le libéralisme n’est pas un simple économisme, comme ses ennemis veulent souvent le réduire, mais bien un humanisme fondé sur un corps de principes essentiels à la préservation des droits fondamentaux de l’être humain. Car ces penseurs ne sont pas les enfants de la révolution pour rien (on lira Charles Dunoyer sur les révolutions et les révolutionnaires). C’est pour protéger l’individu de l’arbitraire que le droit – naturel – de propriété est sanctifié chez Pierre-Louis Roederer, Charles Comte ou Léon Faucher. Ce n’est pas un vain mot pour Tocqueville de défendre la liberté de la presse ou pour Daunou de combattre pour la liberté d’expression. Et toute personne regardant avec objectivité cette pensée comprend qu’elle s’est très logiquement opposée autant au colonialisme du XIXe siècle (lire le texte d’Yves Guyot) et aux tyrans de son époque (on relira Benjamin Constant sur l’usurpation et le despotisme de Napoléon) qu’elle ne s’élèvera avec force contre tous les totalitarismes du siècle suivant.

Ce livre qu’on dévorera, comme je l’ai fait, d’une traite, en jubilant, ou dans lequel on picorera avec gourmandise, recèle autant de pépites insoupçonnées que de monuments de la pensée (on pense par exemple aux fameux « L’État » et « Ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas » de Frédéric Bastiat, que tout honnête homme devrait avoir lu au moins une fois dans sa vie, ou encore ce plaidoyer sublime de Jean-Baptiste Say pour l’entrepreneur, redécouvert depuis par Schumpeter puis par Kirzner).

Il est livré à son public, que j’espère nombreux, à un moment clé où le monde se partage entre ceux qui, happés par la pensée magique, troqueraient volontiers leur liberté pour maintenir l’illusion d’une (fausse) sécurité et s’enchaînent d’ores et déjà aux mensonges du socialisme de gauche, de droite et d’extrême gauche et d’extrême droite, et ceux, de plus en plus nombreux, qui aspirent à recouvrer ces valeurs premières qui font le bonheur des peuples en restaurant les droits de chacun.

Nul doute que cet ouvrage savant et accessible servira la noble cause de ces derniers et qu’au-delà du plaisir réel d’une lecture délicieusement enrichissante, il contribuera, dans la lignée d’un Benjamin Constant, rayonnant autant sur la perfectibilité de l’être humain que sur la liberté individuelle, à l’élévation des esprits et au triomphe annoncé du pluralisme et de la liberté. Ou mieux encore, comme l’avance Madame de Staël, au triomphe de « l’amour de la liberté » !

David Hart et Robert Leroux, L’Age d’or du libéralisme français, Anthologie XIXe Siècle, Ellipses, janvier 2014, 400 pages.


Sur le web.

  1. Robert Leroux est professeur de sociologie à l’université d’Ottawa (Canada). Il a notamment publié Histoire et Sociologie en France (Paris, PUF, 1998), Cournot sociologue (Paris, PUF), Lire Bastiat (Paris, Hermann, 2008), Ludwig von Mises, vie, œuvres, concepts (Paris, Ellipses, 2009), Gabriel Tarde, vie, œuvres, concepts (Paris, Ellipses, 2011).
  2. David M Hart est titulaire d’un doctorat de l’université Cambridge où il a soutenu une thèse sur les idées de Charles Comte et Charles Dunoyer. Il est directeur de la bibliothèque en ligne au Liberty Fund, Indiana (États-Unis). Il est actuellement en charge de l’édition anglaise des Œuvres de Frédéric Bastiat.

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Copeau 583999 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte