Bitten est une nouveauté diffusée depuis janvier sur les ondes de Space au Canada et Syfy aux États-Unis. La série est centrée sur Elena Michaels (Laura Vandervoort) qui mène une double vie. Photographe de mode à Toronto, elle file le parfait bonheur avec son petit ami Philip (Paul Greene). Par contre, elle se transforme quelquefois, et bien malgré elle, en loup-garou, tout comme un petit groupe « d’élus » vivant discrètement à Stonehaven près de New York. Cet anonymat risque de s’envoler en fumée puisqu’un autre loup égorge des innocents, mettant la petite communauté américaine sur le pied de guerre. Elena est donc forcée de renouer avec ses anciens amis afin de démasquer le tueur. Basé sur les romans « Women of the otherworld » de l’auteure Kelley Armstrong, Bitten est à l’image de ses protagonistes : extrêmement séduisants à l’extérieur, vides à l’intérieur. Remplie d’incongruités, on peine à gober la trame principale et on cherche à combler ces carences par l’ajout de nombreuses scènes de nudité où à caractère sexuel. À en juger par les cotes d’écoute, la stratégie semble fonctionner… pour le moment.
Le virus Netflix
Sans qu’on n’entre trop dans les détails (du moins, dans les trois premiers épisodes), on apprend qu’Elena a passé sa jeunesse dans des familles d’accueil jusqu’à ce qu’un jour, elle se fasse mordre par un loup-garou et en devienne un elle-même. Ayant survécu à cette morsure, elle a par la suite fait la connaissance de ses pairs, lesquels vivent tous dans un manoir reclus. Ceux-ci semblent apprécier cette double vie et jamais lorsqu’ils sont transformés en bête, ne deviennent violents ou sanguinaires sauf lorsqu’ils sont provoqués. C’est Elena la première qui décide de refaire sa vie et qui part s’installer à Toronto. Là-bas, sa meilleure amie Diane (Natalie Brown) lui présente son frère Philip et c’est immédiatement le coup de foudre. Seulement, elle doit de temps à autre se transformer en loup, question d’équilibrer son système, on suppose. Jusqu’ici, elle semble bien cacher son jeu, mais la multiplication de meurtres commis de l’autre côté de la frontière l’obligent à regagner Stonehaven non seulement parce que c’est la seule femme loup, mais c’est aussi la plus forte du lot. Ce voyage aux États-Unis l’indispose en raison de la série de mensonges qu’elle multiplie à l’égard de Philip et surtout parce qu’elle doit coopérer avec Clayton (Greyston Holt), un autre loup qui était auparavant son petit ami.
Bitten est tombé dans le même piège qu’Hemlock Grove, cette piètre série signée Netflix et mise en ligne l’an dernier. Un article de Slate nous apprenait le mois dernier que le nouveau géant américain de la VSD avait divisé les films qu’il offre au public en plus de 76 000 catégories différentes. Ce stock impressionnant de métadonnées lui permettait de savoir ce qui intéressait l’auditoire, dans les moindres détails, qu’il s’agisse d’une scène, d’un thème, d’acteurs chouchous, etc. Ainsi, on retrouve dans Hemlock Grove, des éléments de fictions qui remportent un vif succès, par exemple dans Vampire diaries (CW, 2009- ) et les films Twilight : un mélange d’horreur, de drame et de fantastique qui met en scènes de pulpeux adulescents aux prises avec un corps qui se transforme contre leur gré (dans la réalité, on appelle ça la puberté…). En forte opposition avec cette méthode, Rueters écrivait à juste titre : « cette masse de données ne permet pas de mieux coller au spectateur, elle permet de trouver une stratégie pour le gaver le plus possible ».
Bitten, tout comme Hemlock Grove, reflète ce « gavage » qui n’apporte rien de nouveau et qui se veut en somme une copie d’une copie d’une copie (etc.) d’un genre qui à la base a trouvé preneur. Pour commencer, le scénario de la série de Space est pour le moins bâclé. L’idée principale est qu’on enquête sur le mystérieux tueur. Or, après trois épisodes, on n’a pas grand-chose à se mettre sous la dent de ce côté, très peu d’indices et surtout, très peu de motivation de la part du groupe de loups. À cette apathie s’oppose la réaction du village pour le moins effrayé. Depuis les meurtres, on a placardé les commerces d’affiches où il est écrit que l’on donnera une prime à celui qui exterminera le sanguinaire canidé. On a même instauré un couvre-feu pour prévenir d’autres incidents, ce qui est peu crédible. Autre faiblesse, et pas la moindre, on ne comprend toujours pas pourquoi ils se changent en loup, ce que ça leur rapporte ou à quel point ça vient enrichir l’histoire; le groupe pourrait tout aussi bien être formé de gens normaux essayant de traquer une bête qu’on aurait le même intérêt. Enfin, le groupe a le pouvoir de lire dans les pensées d’autrui. Seulement, ce filon n’est pas exploité de façon conséquente et les scènes qui en résultent sont pour le moins inutiles.
À poil
La première scène du pilote de Bitten vient donner le ton. Elena et Philip font l’amour et en plein milieu de l’acte, la demoiselle prétexte qu’elle à un shooting à terminer, se rhabille et fuit l’appartement pour ensuite se déshabiller dans une ruelle avoisinante et se changer en loup. Ces scènes sont fréquentes et pour cause : six loups-garous qui se transforment au moins deux fois chacun par épisode. Le plus drôle est qu’Elena, avant de se transformer en bête, dit à ses pairs « I’ll get change », c’est-à-dire, se déshabiller; telle est sa tenue de combat. Et elle prend même le temps de plier son linge… On ne peut qu’applaudir cette initiative, car au nombre de transformations auxquelles elle est sujette, elle ne peut se permettre de déchirer à chaque fois ses robes moulantes. La seule nouveauté ici est qu’au lieu du fameux plan montrant la poitrine de l’héroïne, si caractéristique des scènes câblées (Banshee, Ray Donovan, True Detective, et j’en passe), on va plutôt dans la nudité masculine, si bien qu’après trois épisodes, on a dû voir les fesses de tous les membres du clan. Ces scènes de peau viennent-elles faire avancer les intrigues? Non. S’en plaint-on? Non plus. Contribuent-elles au succès de la série? Sûrement.
Les données d’auditoire de Bitten sont concluantes pour une chaîne câblée, soit, environ 1 million par épisode. Mais pour encore mieux performer, la série aurait eu avantage à se prendre un peu moins au sérieux et donner un peu plus dans la parodie. Il y a en effet au cours des épisodes un ton kitch qui ressort bien malgré lui et qui gagnerait à être exploité, mais de façon franche. En attendant, la série nous offre un divertissement peu demandant intellectuellement, mais dont les thèmes ont la cote, particulièrement auprès d’un jeune public… une saison 2 à l’horizon?