Difficile sans doute d'accumuler autant de clichés, en prenant autant de temps, dans un seul film, que dans ce Loin de sunset boulevard d'Igor Minaiev.
On nous propose en effet ici un retour en arrière sur les années d'apogée de la terreur stalinienne, qui commenca dans les années trente on le sait. L'argument en est que la télévision
décide de rendre hommage à un couple mythique de cinéma de l'URSS, celui forméparle réalisateur Constantin Dalmatov et l'actrice Lidia Poliakova. Mais l'arrivée des journalistes en meute devant
leur datcha les pétrifie de peur: est-ce un réflexe de ceux qui passèrent leur vie dans la crainte d'être arrêtés, est-ce une volonté d'établir un parallèle entre la dictature de lapolice et
celle des médias, sinon celle d'ndiquer, subrepticement, que le KGB esttoujours l'axe du pouvoir en Russie? Les conjectures se perdent et se noient dans le tissu sirupeux en quoi consiste la
suite des évènements.
Nous voilà en effet replongés dans des années 30 qui sont paradoxalement totalement deshistoricisées. Ces cinéastes ne savent pas, ou ne parlent pas, de ce que si se passe dans le pays, on évoque
bien Eisenstein, dont le film est inspiré puisqu'il met en scène un cinéaste homosexuel revenant lui aussi d'Amérique avec son assistant (Alexandrov) ou un cinéaste déporté, mais rien ne permet
de comprendre, rien ne permet de penser dans ce qui devient un long mélo pour l'essentiel fait de plans calqués sur les comédies musicales l'américaine.
Et même les scènes dramatiques, ou qui pourraient l'être, sont enrobées d'une musique digne d'un ascenseur de motel moderne ou de supermarché. Quant au reste ... du mauvais ... boulevard(!), du
cocufiage de bas étage...
Au final, des mouvements vers l'art - enclenché par la révolution d'octobre - puis contre l'art - produit de la contre-révolution stalinienne - on substitue un état de peur permanente, celle du
lapin terrorisé face au serpent, le tout assaisonné de quelques considérants sur l'homosexualité, elle aussi réprimée.
Il y a eu dans la cnématographie russe quelques films ouvrant des portes sur la compréhension de ce qui s'est passé en URSS à la fin de la N.E.P., du tournant que, sur un plan artistique, le
suicide de Maïakovski marque fortement. Ainsi, Soleil Trompeur de Mikhalkov. Et il y a aussi ce genre de navets : tout comme dans le film on voit des décalques "soviétiques" des comédies
américaines, ce film est un décalque de ce que le cinéma américain peut offrir de pire: un manichéisme sans portée, sans pensée. Et il est à craindre que l'atmosphère politique règnant
aujourd'hui en Russie ne soit pas, pour le moins, propice à ce que les choses s'arrangent!