Capture d’écran du site Canal + (21/12/13)
Une émission collaborative dédiée à la créativité sur le web
Hebdomadaire et d’une durée de 26 minutes, l’Oeil de Links est le résultat d’une alliance entre la société de production audiovisuelle la Parisienne d'Images et Canal +. L’émission "Films faits à la maison " de la première avait séduit la chaîne privée qui souhaitait la transformer en un magazine sur le web créatif avec un contenu plus homogène.
Le 13 septembre 2010 à 00h10 est diffusée le premier numéro de l’Oeil de Links sur Canal +. Aujourd’hui, le programme est diffusé tous les lundis à 23h25 sur Canal + et disponible en rediffusion sur le site web de la chaîne.
Le programme se présente sous la forme d’un enchaînement de vidéos dénichées par des passionnés du web et présentées à travers des interviews des contributeurs ou des réalisateurs des vidéos, filmées avec une webcam. Nicolas Robert, journaliste pigiste et contributeur, voit l'émission comme une compilation de "trouvailles", d’œuvres de "bidouilleurs, de professionnels, de fans qui réinvestissent un contenu pour lui donner une autre vie ou un autre visage".
Par exemple, lors de l’émission diffusée le 13 janvier, on a pu découvrir un reportage sur le duo We are from LA, les réalisateurs du clip interactif Happy de Pharell Williams...
...ou encore "The Ride" un montage unifiant des vidéos de surf, skate et snowboard qui ont l’air de s’enchaîner grâce à un travail de mixage précis.
Pendant deux ans, l’émission était présentée par Elliot Lepers sur un plateau de télévision. Mais le présentateur explique qu’ils ont décidé de changer la formule en septembre 2012 pour "ouvrir la rédaction, sortir des codes de la télé, s’ancrer dans la culture web et s’alléger, être plus souple". Entre chaque vidéo, ce sont désormais les Roberts, des personnages masqués, vêtus de combinaisons blanches et présentés dans des situations quotidiennes ou incongrues qui font la transition.
C’est en effet une communauté d’internautes qui fournit la matière: des liens vers des contenus créatifs sur Internet. Ils sont une cinquantaine de contributeurs choisis pour leur réputation de blogueurs, leur activité sur le web tant par ce qu’ils créent que par ce qu’ils postent. Une dizaine est extrêmement active et propose des liens de façon quotidienne sur le groupe Facebook privé créé dans ce but. Vous pouvez retrouvez leurs portraits sur le site de Canal +.
L’équipe rédactionnelle, quant à elle, est composée de Michel Besnier (rédacteur en chef), Audrey Billard (programmatrice), Jean-François Tinard (chargé de production), Philibert Satto (masques et décors), Nicolas Thépot (réalisateur) , Catou Lairet (productrice Parisienne d’Images) et Pascale Faure (productrice Programmes courts de Canal +). Leur rôle est non seulement la mise en forme et la production du programme mais aussi la sélection et l’affirmation de la ligne éditoriale. Audrey Billard la définit suivant trois critères :
- "Créée par et pour le web" : la vidéo présentée en lien doit être le résultat d’un travail "collaboratif et interactif" et s’il s’agit d’une fiction, ce qui est rare, elle doit être courte et témoigner d’un aspect de la vie sur le web.
- "Réalisée dans un cadre s’approchant de l’autoproduction" : elle doit être réalisée dans le "milieu très pointu des nouvelles technologies", résultat d’un art peu connu et peu ou pas sponsorisé.
- "Humoristique mais pas potache" : non aux gags mais oui aux clins d’oeil moqueurs.
Nicolas Robert souligne la volonté de l'équipe rédactionnelle de mettre en valeur des travaux "graphiquement évolués, avec une dimension artistique". Il insiste aussi sur l'importance de l'aspect bimédia de l'émission: les vidéos doivent être de qualité suffisante pour être diffusées non seulement sur le web mais également à la télévision.
De la trouvaille à la diffusion
Les points forts de l’émission
- Sa plus-value d’information
"Nous faisons de la curation mais aussi de l’information" souligne Audrey Billard. Selon elle, la réussite du programme tient d’abord à la force de la ligne éditoriale qui se manifeste dans le "soin apporté à la sélection non seulement par les contributeurs mais aussi par moi-même et l’équipe". Il s’agit aussi de fournir une information grâce à l’ajout des interviews, véritable plus-value par rapport à ce qu’il y a d’autres sur le web.
Elliot Lepers croit aussi en cette exigence dans le choix éditorial : "ce n’est pas un simple zapping comme les Pépites du Net, on creuse en profondeur, on fait des liens, on met en abîme, on rappelle l’histoire de l’œuvre". Il continue en insistant sur l’ajout d’information : "on est maintenant pas mal copié mais aucune émission ne va si loin sur l’explication du contenu, des techniques, de l’aspect économique de la création". Il dénonce le regard méprisant qui est trop souvent porté sur la créativité sur le web et la politique du clic qui dicte les divers zappings : "personne d’autre ne suit les créateurs".
- Sa communauté forte et fidèle
L’Oeil de Links ne serait rien en effet sans sa communauté de contributeurs et de fidèles. La programmatrice a d’abord fait appel à ses amis, à son réseau, actif sur le web pour ensuite l’élargir à d’autres internautes qu’elle a repérés pour leur pertinence dans leur publication en ligne. Les contributeurs échangent, se rencontrent, ce qui crée une cohésion et une émulation.
Elliot Lepers, qui fait partie de l’équipe depuis les débuts du projet, souligne la force de l’échange entre la rédaction et les contributeurs : "cela permet d’harmoniser les contenus de l’émission et les contributeurs, de plus en plus expérimentés gagnent en autonomie".
Audrey Billard précise qu’il n’y a pas de community manager dans l’équipe : "il n’y a pas de logique stratégique par rapport aux réseaux sociaux, nous faisons ça par envie". Ainsi un Tumblr est consacré à tous les internautes ayant participé à l’Oeil de Links, un compte Twitter communique les actus du programme et la page Facebook de l’Oeil de Links compte 20 000 fans.
Un concept inépuisable ?
Canal + ne communique pas les chiffres de l’audience ni des visites sur le site web de l’Oeil de Links mais l’an dernier, il y aurait eu 50 000 spectateurs par diffusion, d’après Audrey Billard. La programmatrice est optimiste pour l’avenir : "le web est infini, le concept est inusable car il y a toute forme de création qui voit le jour sur la Toile, il y a toujours des initiatives, des créateurs intéressants". Selon elle, le concept est même déclinable : il pourrait être appliqué à l’aspect plus sociologique du Web, plus politique aussi.
C’est ce qu’Elliot Lepers souhaite faire, le webmaster d’Europe Ecologie Les Verts travaille sur un projet très politique, soutenu par le pan Nouvelles Ecritures de France Télévisions. Celui qui regrette le côté "cabinet de curiosité" que peut avoir l’Oeil de Links, souligne que "la télévision s’intéresse de plus en plus à Internet" et que "d’autres espaces sont à créer". La collaboration 2.0 pourrait donc bientôt nous offrir d’autres émissions innovantes.
Pour aller plus loin :
"L’Oeil de Links le lundi soir sur Canal +. Ambiance de tournage au pays des Roberts " (Média Un Autre Regard)
"L’Oeil de Links " (France Inter)
"L’Oeil de Links veille sur le web " (France Info)
"L’Oeil de Links " (Radio Marais)
Merci à Wild Wild Waves pour la musique.