Photo: Feierblumm
Cela fait longtemps que je n'écris pas sur cette page, mais là, il faut que je ressorte ma plume afin de donner mon petit coup de pouce à un film que j'ai beaucoup aimé. Un film dont j'attendais beaucoup, et qui me l'a donné. Non, je ne suis pas déçu. Oui, je suis acquis à la cause.Vous voyez son affiche partout, il est encore sur les grands écrans, et je peux vous dire une chose: "Heemwéi", c'est du sacré bon cinéma, allez-y, voyez-le, méditez-le!
Je pense que le film de Sacha Bachim vous scotchera à votre fauteuil et vous fera réfléchir de plusieurs façons - sur le Luxembourg, son histoire, sur la guerre, la vie et la mort, sur la jeunesse et la beauté des choses, et aussi, bien sûr, sur la singularité de la langue luxembourgeoise. Oh, tout n'est pas parfait dans ce film tourné avec plusieurs bouts de chandelle par une bande d'allumés, mais il se trouve que leur passion et leur esprit visionnaire balaient toutes les petites maladresses et nous emballent complètement.
Oui, il y a, chez ces faiseurs issus du collectif Feierblumm, une compréhension profonde et un amour immense du langage cinématographique, ce que l'on ressent pleinement à chaque plan du film, chaque mouvement de caméra, chaque geste narratif. Les références sont évidentes, "Heemwéi" est imprégné des ombres de Kubrick, de Malick, de Tarantino, d'Eastwood, de De Palma, mais ne se vautre jamais dans le bête recopiage, au contraire, il s'attelle à construire sa propre épaisseur, sa propre texture, son propre caractère. La tension ne se relâche jamais, elle est palpable à tout instant, chaque rencontre que font nos deux déserteurs est un moment d'angoisse, de terreur, de folie parfois (extraordinaire séquence avec Michel Tereba!).
C'est visuellement magnifique, les décors naturels du Luxembourg n'ont peut-être jamais été filmés avec autant de poésie. Le montage est parfait, mesuré et précis, on est à chaque instant dans le cadre, dans chaque espace-temps proposé par le récit, en prise directe avec les personnages et leur situation. Excellents acteurs, tous, petits et grands rôles, pratiquement aucune fausse note. Mention particulière, bien sûr, pour Steve Hoegener et Luc Lamesch, quelle présence, c'est sur eux que repose tout le sens du film, ils portent à bout de bras et de sueur leur peur et leur rage, ils ne lâchent jamais prise, on y croit totalement.
Il y aurait encore beaucoup de choses à relever sur "Heemwéi" - la beauté de la bande-son, émaillée de la très belle musique de Daniel Balthasar, la maîtrise de la photographie et de la découpe des plans, l'intelligence des décors et de la reconstitution historique, la réflexion existentielle... - mais pour l'instant je me résume en disant: "Heemwéi" m'apparaît comme un tournant fondamental dans le cinéma luxembourgeois, la preuve qu'une réalisation faite localement, avec les moyens du bord mais avec beaucoup de lucidité, peut se hisser au rang d'oeuvre majeure et prétendre même, j'ose l'espérer, à une résonance universelle.