Vive la crise à Libération !

Publié le 10 février 2014 par Despasperdus

Tiens, le journal libération m'aurait menti depuis des années ?

En l'occurrence, depuis ce fameux numéro spécial "VIVE LA CRISE" quand Libé s'est associée à une émission de propagande sur une télévision publique.

C'était en février 1984, le virage de rigueur était pris depuis près d'un an, il fallait convertir la population, en particulier l'électorat de gauche, aux délices du capitalisme néolibéral.

C'était incroyable, le monde changeait. Incroyable ! Il fallait donc que la France accompagne le changement incarné par Reagan et Thatcher. Terminés les "avantages acquis" et les "privilèges" du monde ouvrier et de la fonction publique, finies les rigidités d'une réglementation pour le moins soviétique, adieu à la lutte des classes. Gloire au monde merveilleux de l'entreprise et aux patrons, véritables héros des temps modernes ! Vive l'individu seul ! Vive la CFDT, à bas la CGT, FO et Solidaires...

Oui bonnes gens, la crise était une occasion à saisir, votre chance ! Il fallait faire des sacrifices salutaires, les ouvriers accepter les fermetures d'usine, les chômeurs se mettre à la formation, s'adapter, saisir la 2ème ou 3ème chance de reconversion pour devenir un winner, les politiques s'engager à fond dans l'Europe en construction, forcément sociale.

Tout ça pour illustrer la dérive de l'extrême gauche maoïste au capitalisme néolibéral, sitôt la mort de Jean-Paul Sartre...

Au fil du temps, et d'un lectorat qui s'effilochait, Libé a eu recours à des "mécènes" jusqu'à la perte totale de son indépendance financière et éditoriale.

Libération est devenue la danseuse d'un oligarque qui veille, c'est bien le moins, à ce qu'elle ne soit pas trop coûteuse tout en satisfaisant ses désirs, en l'occurrence entretenir l'illusion que le journal se situe toujours à gauche en défendant les intérêts de l'oligarchie, en particulier la politique de l'Union européenne.

Personnellement, j'ai continué à l'acheter épisodiquement jusqu'au lendemain du résultat du référendum sur le TCE. Dans son édito, July considérait que les citoyen-ne-s opposé-e-s à l'Europe néolibérale étaient xénophobes. Depuis, Libération n'a plus reçu le moindre centime de ma poche. Je ne suis pas maso au point d'acheter les services d'un torchon pour me faire insulter. A l'occasion, je me contente des pages diffusées sur le site officiel ou de sa version numérique, facile à dénicher sur le web.

Aujourd'hui, les seuls éléments qui présentent une originalité, ce sont les photos. Hormis le billet de Pierre Marcelle, voire de Daniel Schneidermann, plus rien ne le distingue du Figaro, du Monde, ou du Parisien au niveau idéologique. Son contenu et ses rubriques sont d'une banalité affligeante. Il n'y a même pas de rubrique "social" : place à la "science" économique ! Place à la soumission à l'ordre économique dominant. Et que dire du supplément "Next" ? Une merde luxueuse pour CSP ++, la quintessence de la branchouille et du vide, snobinard à souhait, un sac à pubs qui se veut underground mais expurgé de sa dimension sociale et contestataire.

Alors que dire en découvrant cette Une de samedi, juste trafiquée par mes soins parce qu'ici la pub est proscrite ? Je me suis dit que Libé avait la maladie d'Alzheimer... Une sorte de retour aux sources où d'un seul coup, certains journalistes retrouvaient leurs réflexes de jeunesse en se préoccupant du social !

Bref...

A force de vanter la mondialisation heureuse et le libre échange sans entrave, la concurrence sauvage et la destruction du protectionnisme qui permettait aux travailleurs de bénéficier de conditions de vie et de travail décentes, vous êtes, vous les journalistes de Libération, rattrapés par une idéologie dont vous n'avez cessé, depuis plus de trente ans, de vanter les mérites. C'est l'effet boomerang. A part l'oligarchie, vous auriez du savoir que le néolibéralisme finit par n'épargner personne, même vous. C'est ballot parce que vous auriez pu le combattre, mener le combat idéologique en produisant des enquêtes sur ses ravages, inviter des intellectuels non orthodoxes, et avoir une attitude neutre et objective avec l'autre gauche...

Remarquez, il n'est pas trop tard. Sachez que nous étions plus de 11 % à voter clairement contre cet ordre économique en glissant le bulletin de vote Mélenchon-FDG à la dernière présidentielle, soit 2 millions de personnes que vous ne cessez d'insulter en comparant Mélenchon à Le Pen et le Front de gauche au FN.

Attention, comme l'ami des Echos de la gauchosphère, j'espère que vous allez vous sortir de cette mauvaise passe. Je ne vous souhaite pas le chômage. Je n'ignore pas que la précarité sévit aussi dans le milieu journalistique.

Aussi, je me permets de vous donner modestement quelques conseils :

Il me semble urgent de vous débarrasser de vos éditorialistes comme Demorand, Quatremer, Duhamel et j'en oublie, dans un double souci de repositionnement idéologique et d'allègement de votre masse salariale.

Je vous suggère également de revoir vos rubriques, d'aller sur le terrain pour mener de véritables enquêtes [1], d'arrêter d'insulter les organisations et les leaders qui se situent à gauche du PS, de cesser de défendre la politique économique et sociale du gouvernement de drauche, de traiter le Front national en ennemi en ne lui offrant plus des unes putassières. De traiter avant tout de la réalité du plus grand nombre.

Enfin, adaptez-vous, devenez imaginatifs ! C'est bien votre credo ? Créez donc une SCOP pour devenir indépendants. Je suis certain que les ouvriers - que vous avez méprisé en ignorant leurs souffrances et leurs luttes pour sauver leur outil de travail - seraient heureux de vous délivrez des conseils...

Note

[1] quand le bureau de Poste de Paris Louvre fut bloqué en raison d'une grève illimitée lors du passage des 35 heures en 2000 ou 2001, pas un seul journaliste de Libé n'est venu se renseigner auprès des grévistes. Je me demande même si nous avions eu droit à un entrefilet...