Le verrou, d'après Maupassant

Publié le 10 février 2014 par Dubruel

LE VERROU

Les quatre verres posés devant les dineurs

Restaient à moitié pleins à cette heure

Ce qui indiquait

Que les convives l’étaient tout à fait.

Les voix prenaient des éclats tonitruants

Et les gestes devenaient exubérants.

L’un des amis raconta au dessert

L’histoire de sa première inconduite.

(C’était une femme du monde qu’il avait séduite.

Ou bien était-ce la femme qui l’avait séduit ?

Ceci revient au même dans l’affaire) :

-« La chose s’est passée une nuit

À la fin du mois de novembre.

Comme ma cheminée fumait,

J’avais éteint le feu dans la chambre.

Mon amie s’exclama : -Ça ne fait rien, j’en ai !

Le cœur palpitant,

Je fermai les contrevents.

À tâtons, je la cherchais

Et la trouvais…

Ce fut une heure de folie.

Puis nous nous sommes endormis.

Au matin, j’entendis qu’on m’appelait.

Les volets étaient ouverts.

Au milieu de la chambre, debout, là,

Un fumiste et le propriétaire

Nous contemplaient.

Mon amie se débattait, hurlait.

Pour se cacher, elle saisit le drap.

-‘’Que faites-vous chez moi, s’il vous plait ?

Fichez-le camp, nom de Dieu ! ‘’

Les deux hommes sortaient à reculons :

-« Pardon, monsieur,

Nous nous excusons.

La concierge nous avait dit

Que vous étiez sorti.

Si nous avions cru

Vous déranger, nous ne serions pas venus.’’

Ah ! On ne m’y reprendra pas de sitôt.

Depuis ce jour, je ne tire plus les rideaux

Mais, voyez-vous,

Je pousse toujours le verrou ! »