LE VERROU
Les quatre verres posés devant les dineurs
Restaient à moitié pleins à cette heure
Ce qui indiquait
Que les convives l’étaient tout à fait.
Les voix prenaient des éclats tonitruants
Et les gestes devenaient exubérants.
L’un des amis raconta au dessert
L’histoire de sa première inconduite.
(C’était une femme du monde qu’il avait séduite.
Ou bien était-ce la femme qui l’avait séduit ?
Ceci revient au même dans l’affaire) :
-« La chose s’est passée une nuit
À la fin du mois de novembre.
Comme ma cheminée fumait,
J’avais éteint le feu dans la chambre.
Mon amie s’exclama : -Ça ne fait rien, j’en ai !
Le cœur palpitant,
Je fermai les contrevents.
À tâtons, je la cherchais
Et la trouvais…
Ce fut une heure de folie.
Puis nous nous sommes endormis.
Au matin, j’entendis qu’on m’appelait.
Les volets étaient ouverts.
Au milieu de la chambre, debout, là,
Un fumiste et le propriétaire
Nous contemplaient.
Mon amie se débattait, hurlait.
Pour se cacher, elle saisit le drap.
-‘’Que faites-vous chez moi, s’il vous plait ?
Fichez-le camp, nom de Dieu ! ‘’
Les deux hommes sortaient à reculons :
-« Pardon, monsieur,
Nous nous excusons.
La concierge nous avait dit
Que vous étiez sorti.
Si nous avions cru
Vous déranger, nous ne serions pas venus.’’
Ah ! On ne m’y reprendra pas de sitôt.
Depuis ce jour, je ne tire plus les rideaux
Mais, voyez-vous,
Je pousse toujours le verrou ! »