Voici un arrêt qui juge que la prescription de deux ans en matière d'assurance n'est pas applicable à une action fondée en droit sur le dol :
"Vu les articles 1304 du code civil et L. 114-1 du code des assurances ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Sainte Adelheid (l'assurée) a souscrit le 12 janvier 2004 auprès de la société Mutuelle Alsace Lorraine Jura (l'assureur) une police multirisques habitation garantissant un immeuble, notamment au titre du risque incendie ; que celui-ci a été détruit par un incendie le 20 février 2004 ; que chaque partie a commis un expert aux fins d'évaluation des préjudices subis ; que celui de l'assureur a fait une proposition d'indemnisation au vu de devis établis au nom de l'entreprise Bichet, qui a été acceptée le 5 juillet 2004 par l'assurée ; que cette dernière, ayant appris, le 27 septembre 2005, que cette entreprise avait été mise en liquidation judiciaire en 1994 et qu'un jugement pour insuffisance d'actif avait été prononcé à son encontre le 8 juillet 1996, elle a, le 18 janvier 2006, dénoncé l'accord passé le 5 juillet 2004 ; que néanmoins, l'assureur lui a, en exécution de cet accord, réglé, entre mars 2004 et mars 2008, une indemnité de 421 745,10 euros ; que l'assurée a assigné l'assureur le 20 février 2009 aux fins d'annulation de l'accord du 5 juillet 2004, pour cause de dol, et a poursuivi le paiement d'une indemnité complémentaire de 257 430,81 euros, outre la somme de 20 000 euros de dommages-intérêts pour préjudice financier et moral ;
Attendu que pour déclarer l'assurée irrecevable en son recours à l'encontre de l'assureur, par l'effet de la prescription, l'arrêt énonce que l'article L. 114-1 du code des assurances dispose que toutes les actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance et, qu'en l'espèce, l'action introduite par l'assurée dérive directement du contrat d'assurance liant les parties ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la demande en nullité de l'accord du 5 juillet 2004 était fondée sur le dol de l'assureur, et que les stipulations du contrat d'assurance n'étaient pas en cause, la cour d'appel a violé, par refus d'application, le premier de ces textes et, par fausse application, le second ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 octobre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;
Condamne la société Mutuelle Alsace Lorraine Jura aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Mutuelle Alsace Lorraine Jura, la condamne à payer à la société Sainte Adelheid. la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize janvier deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour la société Sainte Adelheid
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré un assuré (la SCI SAINTE ADELHEID, l'exposante) irrecevable en son recours contre l'assureur (la société MUTUELLE ALSACE LORRAINE) par l'effet de la prescription ;
AUX MOTIFS QUE l'action introduite par la SCI SAINTE ADELHEID dérivait directement du contenu du contrat d'assurance liant les parties ; qu'il se déduisait des arguments qu'elle soulevait qu'elle estimait avoir été trompée par l'expert désigné par la MUTUELLE ALSACE LORRAINE auquel elle reprochait d'avoir eu recours à M. X..., ancien dirigeant de la société BICHET dont elle avait appris par la suite la liquidation judiciaire prononcée en 1994 ; que la SCI SAINTE ADELHEID fondait son action sur le dol dont aurait été entaché, selon elle, son consentement à l'accord intervenu, dol caractérisé par l'inexistence de la société BICHET qu'elle avait découverte postérieurement aux opérations d'expertise ; qu'en l'espèce, l'événement qui faisait courir le délai de prescription de l'action entreprise par l'exposante était, selon le point de vue de chacune des parties, soit la date de la signature de l'accord sur le montant des travaux de réfection, position soutenue par l'assureur, soit la date de la découverte par l'assurée de la non-existence de la société BICHET au jour de la signature dudit accord ; que, dans le premier cas, l'action en nullité expirait le 5 juillet 2006 ; que, dans le second cas, si on s'en tenait aux déclarations de l'assureur, l'assurée reconnaissait avoir découvert le dol le 27 septembre 2005, de sorte que le délai de deux ans expirait dans ce cas le 27 septembre 2007, étant rappelé que l'assignation était datée du 20 février 2009 ; que, s'agissant des actes susceptibles d'avoir suspendu ou interrompu la prescription, la SCI SAINTE ADELHEID invoquait inutilement les propositions d'indemnisation formulée par la MAL les 29 juin et 5 juillet 2004, puisque elle-même fixait la date de départ du délai de prescription au 27 septembre 2005 ; que la SCI soutenait également que la date de réception de la LRAR adressée par elle le 18 janvier 2006 à la MAL qui l'avait reçue le 27 janvier 2006, contenant demande d'une indemnité complémentaire pour la somme de 383.957 ¿, aurait interrompu le délai de prescription ; que s'il était exact que l'exposante invoquait dans ce courrier l'effet suspensif de la prescription biennale en application de l'article L. 114-2 du code des assurances, il s'agissait là de la prescription des actions concernant exclusivement le paiement de la prime par l'assuré ou le règlement de l'indemnité par l'assureur ; que, enfin, c'était vainement que la SCI SAINTE ADELHEID soutenait que l'assureur devait être considéré comme ayant renoncé à invoquer la prescription en procédant à l'indemnisation, laquelle ne constituait pas une cause suspensive ; que force était de constater qu'il n'existait, dans les pièces produites par les parties, aucune cause interruptive de prescription de l'action ;
ALORS QUE, d'une part, l'action en nullité exercée par la victime d'un dol vise à sanctionner le comportement déloyal de l'autre partie ; qu'en affirmant, sans en justifier autrement, que l'action introduite par l'assurée dérivait directement du contrat d'assurance quand la demande en nullité de l'accord du 5 juillet 2004 prenait sa source dans une tromperie de l'assureur et que les stipulations dudit accord n'étaient pas en cause, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 1304 du code civil, et, par fausse application, l'article L. 114-1 du code ces assurances ;
ALORS QUE, d'autre part, le point de départ de l'action dérivant d'un contrat d'assurance court à compter de l'événement qui y donne naissance, c'est-à-dire du jour où l'assuré a eu connaissance d'une exécution déloyale du contrat ; qu'en l'espèce, le point de départ de la prescription remontait au 27 septembre 2005, date à laquelle l'assurée avait eu connaissance du dol commis par l'assureur ; qu'en fixant le point de départ de la prescription à la date de l'accord du 5 juillet 2004, la cour d'appel a violé l'article L. 114-1 du code des assurances ;
ALORS QUE, en outre, l'interruption de la prescription résulte de l'envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception adressée par l'assuré à l'assureur en ce qui concerne le règlement de l'indemnité ; qu'en l'espèce, par lettre recommandée du 18 janvier 2006, reçue par l'assureur le 27 janvier, l'assurée sollicitait le règlement d'une indemnité complémentaire et invoquait à ce titre l'interruption de la prescription ; qu'en ne tirant aucune conséquence de ce courrier quant à l'effet interruptif de la prescription, la cour d'appel a violé l'article L. 114- 2 du code des assurances ;
ALORS QUE, de surcroît, dans sa lettre du 8 février 2006, en réponse à celle de l'assurée du 18 janvier 2006, l'assureur confirmait expressément «l'interruption de la prescription biennale à effet du 27 janvier 2006 en application des dispositions de l'article L. 114-2 du Code des assurances » ; qu'en faisant abstraction de cette pièce décisive, la cour d'appel l'a dénaturée par omission en violation de l'article 1134 du code civil ;
ALORS QUE, au surplus, la reconnaissance même partielle que le débiteur fait du droit de celui contre lequel il prescrit interrompt la prescription pour la totalité de la créance ; qu'en s'abstenant de rechercher, bien qu'y étant invitée, si les règlements partiels intervenus le 13 avril 2007 puis le 25 mars 2008 étaient interruptifs de prescription, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 2248 du code civil et L. 114-2 du code des assurances ;
ALORS QUE, enfin et en toute hypothèse, on peut renoncer à une prescription acquise ; qu'en déclarant l'assurée non fondée à invoquer une renonciation de l'assureur pour la raison inopérante qu'elle ne constituait pas une cause de suspension, quand le règlement même partiel de l'indemnité intervenu le 25 mars 2008 valait renonciation non équivoque à la prescription acquise, la cour d'appel a violé les articles 2250 et 2251 du code civil."