Le Venezuela vient à nouveau d’entrer dans le Guinness World Records. Bon, il ne l’a pas fait vraiment exprès, puisque c’est un phénomène naturel qui a été primé. Mais quel phénomène ! Il s’agit de l’éclair du Catatumbo, qui se produit de façon régulière (environ 160 nuits par an, généralement d’avril à novembre) et dans un lieu précis, le bassin du lac de Maracaibo, situé à l’extrême ouest du pays.
C’est un spectacle assez extraordinaire. Chaque nuit ce sont des centaines, voire des milliers d’éclairs qui fendent le ciel et illuminent le lac. Le plus étonnant, c’est que ce show naturel se produit dans le plus grand silence. Il ne s’agit donc pas d’un orage ordinaire, mais d’un phénomène physique tout à fait particulier à la région.
Vision cosmogonique
Comment l’expliquer ? L’ethnie Bari, qui habite la région, le définit comme « la concentration de millions de lucioles qui se réunissent toutes les nuits dans le Catatumbo pour rendre hommage aux pères de la création », tandis que les Yukpas et les Wayúu attribuent le phénomène à la présence des esprits des ancêtres qui resplendissent dans le ciel comme une espèce de message. Il fait donc partie de la vision cosmogonique des populations indiennes de l’endroit.
La première mention écrite de l’éclair du Catatumbo remonte à 1597, dans le poème épique La Dragontea de Lope de Vega, qui raconte comment les éclairs avaient permis de repérer la flotte du pirate anglais Francis Drake, entraînant sa défaite. Deux siècles plus tard, l’explorateur et naturaliste Alexander von Humboldt décrit le phénomène comme « des explosions électriques qui apparaissent comme des scintillements phosphorescents… ». Au 19e siècle, le géographe italien Agustín Codazzi y voit un « éclair continu qui semble surgir du río Zulia et ses environs ».
Mystérieux
Les scientifiques se sont intéressés au phénomène depuis longtemps, mais les causes en restent en partie mystérieuses. C’est tout récemment qu’une explication physique complète a été proposée à titre d’hypothèse. Le schéma ci-dessous l’illustre :
- Les vents chauds alizés provenant des Caraïbes s’engouffrent dans le bassin du lac de Maracaibo et rencontrent l’air froid des Andes, créant des tempêtes dans la zone sud du lac.
- Du méthane s’échappe de la décomposition de la matière organique des marais de l’estuaire du río Catatumbo et des dépôts sur le lac.
- Des courants d’air dans les nuages distribuent le méthane, provoquant une concentration des gaz en différents endroits.
- Le méthane affaiblit l’isolation de l’air dans les nuages et provoque les éclairs.
En pleine activité, on peut observer jusqu’à 280 éclairs par minute. Une étude de la NASA a déterminé que c’est l’endroit du monde où se produit la plus grande quantité d’éclairs par kilomètre carré. Tel est le fondement de l’attribution du record par Guinness, officialisé il y a quelques jours à Maracaibo.
Patrimoine naturel
Les promoteurs du Catatumbo ne s’en sont pas tenus là. Erick Quiroga, le défenseur de l’environnement qui a fait les démarches pour l’attribution du record par Guinness World Record, aspire maintenant à ce que le phénomène du Catatumbo soit considéré comme Patrimoine naturel de l’humanité et soit inclu à ce titre dans la liste de l’Organisation des Nations-Unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco). Pour cela il est indispensable que l’État vénézuélien en fasse la demande officielle devant l’Unesco. Le ministre du Tourisme s’est d’ores et déjà engagé à faire les démarches nécessaires.
Tout cela est bien intéressant, mais ne changera rien à la beauté et l’étrangeté du phénomène, resté inchangé depuis des siècles. J’ai eu la chance de le voir à plusieurs reprises, par temps clair, du haut de mes montagnes des Andes. Je vous invite à faire le voyage jusqu’au bassin du lac de Maracaibo pour le vivre en direct. À défaut, voici une vidéo qui vous servira de mise en bouche :
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