d'après UN COQ CHANTA de Maupassant
Mme Olga de Valençay
Avait jusque-là repoussé
Les supplications du baron Joseph de Francoeur.
Durant l’été, son admirateur,
L’avait poursuivie ardemment.
Il donnait maintenant
Pour elle des fêtes et des chasses
En son château de Bazas.
Valançay était gros, petit, court de bras,
De jambes, de cou,
De nez, de tout.
Il vivait séparé de sa femme
Pour cause de faiblesse physique que Madame
Ne lui pardonnait pas.
Olga était grande, jeune et déterminée.
Elle n’avait encore rien accordé.
Joseph la harcelait de ses prières.
Olga lui répondait avec un clin d’œil :
-« Si je dois tomber, mon cher,
Ce ne sera pas avant la chute des feuilles. »
Fin octobre, à Bazas,
Joseph organisa une chasse.
Au moment du départ,
Olga le retint, non par hasard :
-« Si vous tuez un cerf,
J’aurais quelque chose pour vous, mon cher. »
D’une oreille, Joseph avait écouté
Cette parole tellement souhaitée
Et de l’autre, il suivait le chant des cors
Et la voix des chiens qu’on entendait encore.
-« Vous m’aimez, n’est-ce pas ? »
-« Cette question ne se pose même pas. »
-« La chasse semble pourtant
Vous occuper plus que moi, en ce moment. »
-« Mais, vous vouliez que j’abatte un animal… »
-« J’y compte et vous le tuerez devant moi. »
Joseph embrassa Olga,
Piqua son cheval
Et s’élança.
Elle, cingla le flanc de sa jument.
Ils ont ainsi chevauché,
Côte à côte, un long moment.
Le tumulte de la chasse se rapprochait.
Devant eux, tout à coup, passa un cerf.
Ils le pourchassèrent.
Deux heures plus tard, l’animal gisait,
Au lieu-dit La Bassée.
Olga embrassa le baron :
-« Rentrons ! »
Ils revinrent au château
Et dinèrent tôt.
Elle lui donna un baiser :
-« Je suis lasse, je vais me reposer. »
Quelques minutes après,
Joseph grattait
À la porte de la chambre d’Olga.
Elle l’accueillit, le caressa
Et de son doigt
Lui montra le lit:
-« Je vais revenir. Attendez-moi. »
Alors Joseph se dévêtit
Et s’enfonça dans les draps.
Mais Olga ne revenait pas,
S’amusant sans doute à le faire languir.
Peu à peu, les membres du baron s’engourdirent,
Sa pensée s’assoupit
Puis fatigué par la chasse, il s’endormit
Jusqu’au matin.
Dans le poulailler voisin,
Un coq chanta.
Joseph se réveilla…
Dans un lit
Qu’il ne connaissait pas.
Sentant contre lui
Un corps de femme, il balbutia :
-« Quoi ? Qu’y a-t-il ? Je suis où ? »
Alors Olga,
Contrariée et fâchée,
Lui répondit avec le même ton hautain et glacé
Qu’elle utilisait avec son mari :
-« Mon ami,
C’est un coq qui chante. Rendormez-vous ! »