Je n’aurais sans doute pas lu la bande dessinée d’Etienne Davodeau si je n’avais pas vu le film de Sólveig Anspach. En tout cas, je n’y aurais pas trouvé ce que le film m’a apporté.
C’est que le regard de l’une n’est pas le récit de l’autre. Avec la réalisatrice, nous suivons Lulu dans son errance au bord du monde ; avec l’auteur – illustrateur, nous n’avons qu’une Lulu par le truchement des amis réunis un soir, une nuit, sur la terrasse d’une maison.
La bande dessinée est l’œuvre d’un homme (qui a le premier et le dernier mot), et la fin est retour à une réalité indépassable, même un peu soulevée ; le film est l’œuvre d’une femme qui fait circuler les silences et les paroles à travers des femmes (Lulu, son amie, sa fille, la grand-mère, la serveuse, même la patronne de cette dernière…), et conclut par un nouveau départ, avec le défilé des jeunes au cimetière.
Le rapport à la vie, à l’amour, à la mort n’est pas le même du livre à l’écran. C’est peut-être aussi parce qu’il y a une incarnation, des personnages de chair et d’os, des voix qu’on entend, tandis que la BD, bien que la construction narrative en soit fort intéressante, avec des allers-retours, des suspens, me laisse presque indifférent à cette Lulu, qui, finalement, n’est qu’un personnage de fiction dans le récit d’autres personnages de fiction.
Cela étant, c’est, dans la BD, Morgane, la fille de Lulu, qui me semble être le centre de l’histoire, celle qui apprend, celle qui agit, celle qui continue.