Gratuité : le ticket gagnant

Publié le 08 février 2014 par Thierry Gil @daubagnealalune

Retour sur une expérience collective réussie qui démontre que la volonté politique peut faire échouer les oppositions frileuses et rompre avec le pouvoir de l’argent

Dignité et mobilité est en résumé l’état d’esprit des habitants d’Aubagne depuis la mise en place de la gratuité des transports publics.

Le pays d’Aubagne c’est 12 communes, un peu plus de 100.000 habitants. Le réseau de bus est constitué de 11 lignes régulières, du transport à la demande, des transports scolaires et bientôt un tram. Les élus, dont le maire, et la présidente de la communauté d’Agglomération, ont instauré la gratuité en mai 2009.

L’effet de cette mesure a été immédiat, + 50% de fréquentation le premier mois, +140% en 2011 et +178% en 2013. Premier constat, la gratuité modifie le rapport à l’argent et aux droits. Les témoignages des usagers confrontés à un acte de la vie placé hors du secteur marchand, montrent leur sérénité et leur approbation du réseau. Les études de fréquentation ont montré que 50% des trajets supplémentaires sont réalisés par des personnes qui utilisaient la voiture ou le deux-roues avant la mise en place de la gratuité. La gratuité a ses ennemis. Aubagne semblait trop stratégique pour laisser faire. Le Préfet a tenté de s’y opposer, le tribunal administratif lui a donné tort. Le GART (Groupement des Autorités Organisatrices de Transport) s’est fendu d’un avis "réservé" sur la gratuité. Progressivement et sans fondements réels, chaque professionnel a pu entendre que la gratuité favoriserait la dégradation des bus et les incivilités de toutes sortes…

La réalité est toute différente et la responsable des transports d’Aubagne la décrit lors d’un colloque sur la gratuité : "Les gens ressentaient une certaine fierté sur leur territoire du fait de la gratuité des bus. Ce sont des bus qui circulent partout, on les voit. On a la chance d’avoir des véhicules qui ont été renouvelés, donc une flotte très belle avec une bonne qualité de service, les gens étaient fiers de ça et assimilaient cela à une  bonne gestion de l’argent public".

Presque la moitié des citoyens du pays ont un reste à vivre de quelques euros par jour, pour eux la gratuité est une réponse concrète à l’urgence sociale. L’expérience montre que c’est aussi un outil de liberté et de bien vivre qui incite à sortir des quartiers et offre un espace de mixité sociale. Sur le secteur d’Aubagne, 4000 à 5000 déplacements en voiture en moins chaque jour, qui dit mieux en termes d’avancée pour le respect de l’environnement?

Quel est le prix de la gratuité? Il faut savoir que les recettes commerciales représentent à peu près 18% du total des recettes des réseaux urbains (source GART 2011). Plus de vingt collectivités ont adopté la gratuité du transport en France. D’autres vont les suivre. A l’étranger, la capitale Estonienne Tallin (400.000 habitants) est passée à la gratuité en janvier 2013. Celles qui militent pour la gratuité expliquent qu’au-delà du transport, c’est la mise en oeuvre du droit de chaque homme et femme dans la société à vivre dignes et mobiles.

Alain Guillard

Lire aussi : 

Aubagne. Là où on a décidé qu’on était libre de se déplacer. Un article de Sébastien Madau et Florent de Corbier, La Marseillaise