Longtemps, j'ai tourné autour du best-seller Le Cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates sans tenter l'emprunt en bibliothèque. Et c'est par l'intermédiaire de mon futur comité de lecture qui innove en proposant la découverte de ce livre audio, que je me suis finalement décidée. Ma réticence provenait essentiellement du titre car il faut vraiment détester les bouquins pour proposer un en-tête pareil qui n'a aucun sens, surtout lorsque le titre anglais Le cercle d'amateurs de Littérature et de tourtes aux épluchures de patates de Guernesey présente plus de panache.
Moralité (conseil aux éditeurs) : pour donner envie, soit on change l'intitulé original complètement, soit on le garde, mais surtout on ne le réduit pas à une bouillie insipide !
Janvier 1946. Londres se remet d'une guerre douloureuse, coûteuse en humains et chargée en destructions massives de bâtiments. Juliet Ashton, chroniqueuse journalistique reconnue, cherche à "sortir" de son héros récurrent, le soldat Izzy Birkerstaff. Entourée par son éditeur Sidney, sa sœur Sophie et par son amie Susan, elle profite de la promotion de son recueil Izzy Birkerstaff s'en va-t-en guerre afin de s'échapper de la morose capitale anglaise. Une lettre d'un certain Dawsey, habitant de Guernesey, va relancer son inspiration.
Huit mois de la vie de Juliet vont se dérouler sous nos yeux, à coups de correspondance épistolaire. Car il ne faut pas s'attendre à un récit linéaire : l'intrigue se constitue de courriers entre les Londoniens (Juliet, Sidney, Susan, Mark, Sophie) et les iliens (Dawsey, Isola, Eben, Amelia, John et Will, sans oublier l'inoubliable Adélaïde et l'ingénieuse Kit). Bien sûr, quand on écoute l'histoire, il arrive souvent qu'on ne comprenne pas de suite ce qui est dit (surtout au début) car le récit se complète au fur et à mesure, tel un puzzle éclaté dont on possède la plupart des pièces mais dont le corpus reste à définir. D'un côté, les citadins branchés à la vie sociale aussi festive qu'hypocrite, de l'autre une population simple de paysans, d'institutrice, d'enquêtrice originale, d'alcoolique notoire, de baron usurpé, de personnes lettrées à l'intelligence du cœur ultra-développée. Très vite, se dessine non pas la confrontation de ces deux sociétés (au contraire, elles paraissent bien complémentaires et solidaires) mais le portrait de deux belles héroïnes : Juliet, trentenaire toujours célibataire et Elizabeth McKenna, l'absente, la fédératrice du Cercle, l'immense résistante, celle qui a porté l'amour au-delà des frontières et des divergences.
Le si mal nommé Le Cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates décrit la vie après-guerre, l'occupation allemande sous Guernesey, les cancans villageois, les entourloupes éditoriales, le retour des déportés, la survie et l'espoir. C'est un roman foncièrement réjouissant et facétieux, plein d'humour qui m'a tenue en haleine pendant mes courts trajets maison-boulot, au point de m'inciter à rester dans la voiture, afin de découvrir la suite des aventures de Juliet, toujours en recherche d'un Roméo. Je ne sais pas s'il m'en restera quelque chose mais en tout cas je ne peux nier le fait que j'ai passé un excellent moment avec tous ces héros de la vie. Le choix des lettres me semble parfaitement cohérent et judicieux avec la coexistence des deux auteures Mary Ann Shaffer et Annie Barrows (la première est décédée avant la parution du livre) : pas de dissonance dans le rythme, personnages bien marqués à la personnalité propre, intrigue sympa et bien écrite.
Mention spéciale aux voix de Cachou Kirsch (gaie, dynamique) et à Philippe Résimont (top classe, suave). Les autres n'ont pas démérité et ont le droit à la citation : Nathalie Hons, Nathalie Hugo et Thierry Janssens.
Traduction d'Aline Azoulay
Éditions Audiolib
avis :
emprunté à la bibliothèque
et un de plus pour les challenges de Philippe (GN+GN), de Daniel, d'Asphodèle (prix du meilleur livre du Washington Post en 2008), de Heide et de Miss G