Imposer un débat politique là où certains veulent n’y voir qu’un clivage
national. L’Europe va mal. Les élections européennes de mai 2014 joueront un rôle capital dans l’avenir de l’Union Européenne : Martin Schulz veut un débat sur quelle Europe au lieu d’un
débat sur pour ou contre l’Europe.
Tous les premiers secrétaires fédéraux du Parti socialiste se sont
réunis à la Mutualité de Paris ce samedi 1er février 2014 pour démarrer la campagne européenne du PS. En invité de marque ("guest star"), l’actuel Président du Parlement Européen,
Martin Schulz.
Martin Schulz est un peu un ovni dans la scène politique européenne. Ou plutôt, un double ovni. À 58 ans, il
est maintenant officiellement candidat au poste de Président de la Commission Européenne.
Nouveauté institutionnelle
C’est une nouveauté puisque jusqu’à maintenant, il n’y avait pas de candidat à ce poste, juste des
supputations, des négociations et des décisions prises à huis clos par les chefs d’État et de gouvernement de tous les membres de l’Union Européenne au cours d’un Sommet généralement laborieux.
Or, le Traité de
Lisbonne, que beaucoup contestent tout en critiquant le manque de démocratie, a fait franchir un pas supplémentaire, et sans doute décisif, dans la démocratisation des institutions
européennes : le Parlement Européen qui sera élu le 25 mai 2014 aura pour responsabilité d’élire le prochain Président de la Commission Européenne et même l’ensemble de l’équipe
dirigeante.
Certes, les députés européens ne seront pas les initiateurs du choix, ils ne pourront que ratifier ou
invalider (selon les cas) la proposition des chefs d’État et du gouvernement. Exactement comme dans une démocratie parlementaire assez classique. C’est du reste le cas en France même si le vote
de confiance n’est pas indispensable au Premier Ministre (l’opposition peut cependant déposer une motion de censure qui aura à peu près le même rôle politique, celui de ratifier ou de désavouer
le gouvernement).
Pour beaucoup de dirigeants nationaux, la situation institutionnelle n’aurait au contraire pas beaucoup
évolué. Car c’est toujours le Conseil Européen qui désignera le nom du prochain Président de la Commission Européenne et donc, les élections européennes ne devraient pas se focaliser sur une
course à ce poste. Sauf qu’à partir de 2014, les députés européens ont le pouvoir de désavouer cette personnalité si elle ne leur plaît pas.
L’action des hommes sur les institutions
Il y a parfois des cas où les personnes font les institutions (c’était le cas tant de De Gaulle que de Jules Grévy, au début de la IIIe République, quand on prend conscience que les Constitutions de la
IIIe et de la Ve République étaient assez similaires, mais que leur pratique a été très différente).
C’est Martin Schulz qui a imposé cet état de fait.
Depuis près d’un an, il déclare à tout le monde qu’il est candidat à ce poste, soutenu formellement par le
SPD allemand dès le 22 mai 2013 et aussi par le PS français le 9 octobre 2013 : « Très tôt, les socialistes français ont soutenu sa candidature
qui, pour nous (…), relève de l’évidence. Brillant, charismatique, multilingue, dynamique et fin connaisseur des arcanes parlementaires et européennes, Martin Schulz a toutes les qualités pour
être le nouveau Jacques Delors dont l’Europe a tant besoin. » (délégation française des députés européens socialistes, le 7 novembre 2013).
Au début, peu de monde faisait attention à lui, mais finalement, au fil de l’espace médiatique, il s’est
imposé le 6 novembre 2013 comme le seul candidat à la candidature à ce poste chez les sociaux-démocrates et les socialistes européens.
Le Président de la République François Hollande aurait bien
voulu la candidature de Pascal Lamy (66 ans), ancien directeur de l’OMC (du 1er septembre 2005 au 31 août 2013) et ancien commissaire européen (du 13 septembre 1999 au 22 novembre
2004), qui a une expérience européenne reconnue notamment parce qu’il avait été le directeur de cabinet de Jacques Delors lorsqu’il était lui-même Président de la Commission Européenne (du 6 janvier 1985 au 22 janvier 1995).
Candidatures à la Présidence de la Commission Européenne
En agissant ainsi, Martin Schulz a imposé son rythme et surtout, sa méthode : les autres partis
européens se sont ainsi sentis obligés de désigner, eux aussi, leur candidat à la Présidence de la Commission Européenne.
La gauche radicale a déjà désigné son candidat, le Grec Alexis Tsipras (39 ans) le 15 décembre 2013 à Madrid.
Les écologistes ont également désigné leurs candidats (en binôme homme/femme), le Français José Bové (60 ans) et l’Allemande Ska Keller (32 ans) le 29 janvier 2014. Les centristes de l’ADLE
(démocrates et libéraux européens) ont aussi leur candidat depuis longtemps, l’ancien Premier Ministre belge Guy
Verhofenstadt (60ans), candidature officialisée le 1er février 2014 à Bruxelles en ticket avec l’actuel commissaire européen finlandais Olli Rehn.
Mais le principal opposant aux sociaux-démocrates, le PPE (le Parti populaire européen, entre autres, la CDU
allemande et l’UMP française) reste divisé entre l’ancien Premier Ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker
(59 ans), ancien Président de l’Eurogroupe, qui a la préférence de la Chancelière allemande, Angela
Merkel, et l’ancien Ministre français des Affaires étrangères, Michel Barnier (63 ans), qui finit
actuellement un deuxième mandat de commissaire européen, ce qui lui donne une grande expérience dans cette institution. Le candidat sera désigné le 7 mars 2014 à Dublin si les deux personnalités
restent toujours candidates.
Clivages nationaux vs clivages politiques
En cas de désignation de Michel Barnier, on pourra comprendre que l’enjeu des élections européennes va être à
fronts renversés : un Français UMP face à un Allemand SPD, et la question qui est essentielle pour l’avenir de l’Europe, c’est de savoir quel critère sera privilégié, tant par les électeurs
(rendez-vous le 25 mai 2014 au soir) que les dirigeants nationaux : est-ce la nationalité ou la tendance politique ?
François Hollande préférera-t-il privilégier un Français, même s’il est dans l’opposition, ou un
social-démocrate ? Angela Merkel a déjà choisi, en refusant Martin Schulz et en voulant un PPE. Quant au Premier Ministre britannique, David Cameron vient de confirmer qu’il s’opposera dans
tous les cas à la désignation de Martin Schulz. Or, cette décision demande l’unanimité au sein du Conseil Européen.
Je reviendrai plus tard sur la désignation du futur Président de la Commission Européenne, mais je tenais juste à expliquer que se noue, ce printemps 2014, la
possibilité d’une réelle démocratie européenne où les débats seront pour une fois réellement européens et pas seulement nationaux, et où les enjeux, même d’ambition personnelle, seront au niveau
européen.
Pour la France, comme toujours, les deux principaux partis considèrent que le Parlement Européen n’est qu’une
antichambre des recalés au suffrage universel national, ce qui fait par exemple qu’avec le mode de
scrutin, les deux battues des législatives de juin 2012, Michèle Alliot-Marie et Nadine Morano, se
retrouveront mécaniquement élues députées européennes. Le PS fait de même en mettant des anciens recalés ou des personnalités qui n’ont pas de circonscription, comme l’actuel Ministre de
l’Éducation nationale Vincent Peillon ou encore le premier secrétaire du PS, Harlem Désir, dont on imagine qu’il n’ira pas souvent à Strasbourg ou à Bruxelles pour son mandat de député européen, vu que sa
présence à Paris est nécessairement permanente.
Martin Schulz, double ovni
J’écrivais un peu plus haut que Martin Schulz est un double ovni. Ovni de la vie politique européenne,
puisqu’il s’est lui-même positionné sur un terrain politique européen, ce qui est très nouveau car jusqu’à maintenant, il n’y avait que des terrains politiques nationaux (seules, quelques
personnalités comme Daniel Cohn-Bendit ou Romano Prodi se sont positionnées de cette manière), mais aussi ovni dans son pays, l’Allemagne.
Martin Schulz a été en effet assez négligé par la classe politique, mais comme justement, à part quelques
pays, les classes politiques nationales négligent généralement les institutions européennes (c’est ce qu’expliquait par exemple Daniel Cohn-Bendit qui rappelle que l’ambition suprême en France pour un responsable politique, cela reste purement national avec
l’Élysée), il a réussi, au milieu de son quatrième mandat de cinq ans de député européen (élu la première fois le 12 juin 1994), à se faire élire Président du Parlement Européen, le 17 janvier
2012 avec 387 voix sur 670, succédant au Polonais PPE Jerzy Buzek, grâce au traditionnel accord des deux principaux groupes parlementaires (PPE et PSE) qui font alterner à mi-mandat la couleur
politique du Président. Représentant du SPD au Parlement Européen depuis 2000, c’est lui qui négocia avec le PPE la reconduction discutable de José Manuel Barroso à la Présidence de la Commission
Européenne en 2009.
Il faut dire que Martin Schulz n’est pas un homme politique allemand classique. Il a fait peu d’études, et
après avoir manqué d’être footballeur professionnel, il s’est directement orienté dans les métiers du livre et de l’édition sans passer par l’université (ce qui ne l’a pas empêché d’avoir été
fait docteur honoris causa de l’Université de Kaliningrad le 18 mai 2009), créant lui-même en 1982 à Würselen (dont il est devenu bourgmestre, équivalent de maire, en 1987, à 31 ans, jusqu’en
1998) sa librairie qu’il a dirigée jusqu’à son élection au Parlement Européen, douze ans plus tard. Passionné par les livres, il connaît donc bien la vie des petits artisans et des petites
entrepreneurs.
N’étant pas du sérail politique, Martin Schulz a ainsi usé plusieurs fois de sa liberté d’expression sans
langue de bois, ce qui a un jour agacé l’un de ses collègues de Strasbourg, le député européen Jean-Marie Le
Pen qui, le 6 mai 2009, toujours très créatif dans les formules croustillantes ad hominem, s’est amusé à le dénigrer ainsi : « Monsieur
Schulz, qui est président du groupe socialiste au Parlement, est un monsieur qui a la tête de Lénine et parle comme Hitler ! ». Comme on le voit, le point Godwin n’est pas réservé aux seuls forums sur Internet.
En visites en France
Ce n’est pas la première fois, ce samedi 1er février 2014, que Martin Schulz est venu en France
faire campagne. Il a multiplié ses excursions françaises depuis un an. Le 16 décembre 2013, par exemple, il était allé dîner à Paris avec les différentes têtes de liste du PS, à la veille de la
réélection officielle de la chancelière allemande Angela Merkel dans le cadre d’une grande alliance CDU-SPD négociée le 27 novembre 2013 (Certains avaient même envisagé son entrée au gouvernement
fédéral pour contrer sa candidature européenne). Il était même à Leipzig (en Allemagne de l’Est) pour accueillir François Hollande au 150e anniversaire du SPD le 23 mai 2013.
Martin Schulz avait aussi publié une courte tribune dans le journal "Le Monde" le 4 octobre 2013 pour alerter
les électeurs français et européens : « Comment vous, Européens, pouvez changer l’Europe ? » et en mettant en garde contre les extrémismes : « Le seul rempart contre ces forces eurosceptiques est la mobilisation de tous
ceux qui croient dans l’idéal européen. Car les défis pour la prochaine législature sont capitaux : stabiliser l’euro, relancer la croissance et créer des emplois sur le continent, et ainsi,
redonner confiance aux citoyens européens. ».
Il avait en particulier insisté sur l’enjeu véritable de ces élections européennes : « Pour porter à bien ces projets d’envergure, il faut une majorité ambitieuse, une majorité qui naîtra d’un débat capital entre les forces politiques à l’œuvre
en Europe. Il faudra que les électeurs tranchent et c’est là que les eurosceptiques se trompent. La question posée par les prochaines élections européennes n’est pas d’être en faveur ou contre
l’Europe, la question est quelle Europe nous voulons. Être pro-européen, ce n’est pas être pour l’Europe telle qu’elle est, mais être pour une Europe réorientée. Les prochaines élections
européennes offrent l’opportunité d’impulser une nouvelle direction. (…) Ces élections permettront de rapprocher [les citoyens], seulement si précédées par un débat ouvert, pluriel et franc.
Grâce à ce débat, nous pourrons réinventer l’Europe. ».
Le colloque du 25 mai 2013 à la Bibliothèque Nationale de France
Parce que sa personnalité m’intéressait, j’étais allé à sa rencontre le samedi 25 mai 2013 au grand
auditorium de la Bibliothèque François-Mitterrand à Paris, à l’occasion d’un colloque sur l’Europe ("Quelle intégration politique et économique dans la zone euro ?") organisé notamment par
la Fondation Jean-Jaurès fondée par l’ancien Premier Ministre Pierre Mauroy (il a disparu quelques jours
plus tard, le 7 juin 2013).
J’avais alors été très impressionné par la solidité de l’homme, ses convictions, son charisme, sa voix grave,
et même, sa pratique excellente du français : il parle beaucoup mieux français que plein d’orateurs français, mettant le ton, avec quelques habiletés sémantiques parfois. On peut juste
percevoir un très léger accent et quelques germanismes qui font gentiment sourire (comme "la futur" car die Zukunft est féminin, ou "avoir besoin les milliards" car brauchen est transitif en
allemand etc.).
Si l’on compare avec un candidat potentiel, le principal, contre lui, le Français Michel Barnier, je doute
qu’il ne parle aussi bien allemand que Martin Schulz parle français. D’après mes renseignements, il semblerait même que Michel Barnier viendrait juste de prendre quelques cours d’anglais pendant
l’été 2013 en vue de la campagne européenne. Pourtant, il a déjà derrière lui un an au Quai d’Orsay et neuf ans à la Commission Européenne.
Sylvie Jauffmann, du journal "Le Monde", qui titrait « Martin
Schulz, l’homme pressé » son article du 27 mai 2013 pour rendre compte de cette intervention, décrivait assez bien le personnage comme je l’ai ressenti : « Trapu, chaleureux, on le dit impulsif, ce qui lui vaut quelques ennemis. Il pourrait tout aussi bien être un politicien de la France profonde, tribun, en
perpétuel mouvement, la blague aux lèvres. Martin Schulz est une des rares voix de Bruxelles à s’exprimer avec passion sur l’Europe, à mettre de l’émotion dans un discours trop souvent laissé aux
technocrates. ».
Et justement, il n’y a pas que la forme qui compte avec Martin Schulz, car il développe depuis un an des
arguments de campagne très bien rodés.
Pour lui, parler d’un clivage entre l’Europe du Nord et l’Europe du Sud est sans pertinence. Et il n’a pas
hésité à citer certains pays : le premier pays qui a fait défaut avec sa dette souveraine, c’est l’Irlande, « pays évidemment
méditerranéen » ; les Pays-Bas, à force de discours eurosceptiques, sont en stagnation et ne font plus les 3% de Maastricht, et de demander : « Europe du Sud ou Europe du Nord ? » ; l’Italie est en redémarrage industriel, et est « évidemment du Nord », etc. En prenant ainsi plein de contre-exemples, il a voulu détruire cette idée reçue qu’il y aurait une Europe des riches qui
travaillerait et qui paierait pour une Europe des pauvres qui se ferait assister et qui ne travaillerait pas. Il n’a cependant pas osé parler de la situation de l’Allemagne également très
endettée.
Pour Martin Schulz, l’Union Européenne s’enlise car elle n’a plus de vision et elle laisse les vingt-quatre mille fonctionnaires de la Commission
Européennes s’occuper de tout et n’importe quoi : « La main droite de la Commission ne sait plus ce que fait sa main gauche ! ».
Il a bien senti la perte de confiance des peuples envers cette Europe-là et a peur d’une défiance ou d’une abstention massive pour les élections européennes. Il n’évacue donc pas les problèmes,
il veut justement les traiter, considérer par exemple qu’il faut personnaliser les élections européennes pour donner un véritable enjeu politique sur le choix de la future Commission Européenne
et de son programme politique.
Tout le discours de Martin Schulz est basé sur une relance politique de l’Europe. Il n’a pas hésité ainsi à
citer Robert Schuman, l’un des pères fondateurs de l’Europe : « L’Europe est une communauté de solidarité et d’action. » et à insister
sur la révolution institutionnelle du Traité de Lisbonne dans l’élection du prochain Président de la Commission Européenne.
Accueilli par l’ancien Président du Conseil italien Massimo d’Alema et par le Ministre français de l’Économie
et des Finances Pierre Moscovici (PS), Martin Schulz, après son discours de trente-cinq minutes, avait tenu une conférence de presse aux côtés de Pierre Moscovici. Ce dernier, au charisme très terne (pour ne pas dire plus) avait cité de son côté Jean Monnet et était très
heureux d’avoir un (nouvel) homme fort venu d’Allemagne pour l’épauler dans une politique gouvernementale déjà très impopulaire, tandis que son invité allemand était ravi d’avoir accès à des
auditoires français (Bercy étant d’ailleurs tout près de la Bibliothèque François-Mitterrand).
Dans sa conférence de presse du 16 mai 2013 (quelques jours
avant), le Président François Hollande avait lui aussi insisté pour que le débat européen quitte les clivages nationaux pour adopter les clivages politiques traditionnels (ce qui, soit dit en
passant, renforcera naturellement la bipolarisation du débat européen).
Dans ce colloque du 25 mai 2013, d’autres personnalités avaient pris part aux dicussions, notamment
l’économiste Jean Pisani-Ferry (fils de l’ancien ministre Edgar Pisani), nommé le 1er mai 2013 commissaire général à la stratégie et à la prospective, ainsi que les deux députées
européennes socialistes Catherine Trautmann (ancienne ministre) et Pervenche Berès.
Deux handicaps majeurs
Malgré sa personnalité très séduisante et attractive et sa vision politique très fine, Martin Schulz a deux
défauts majeurs dans la compétition pour la Présidence de la Commission Européenne : il est allemand et social-démocrate.
Jamais un Allemand n’a présidé la Commission Européenne depuis 1967. Historiquement, seul le premier
Président fut allemand, Walter Hallstein (PPE) du 10 janvier 1958 au 6 juillet 1967, à une époque où les affaires européennes étaient beaucoup moins prenantes dans les politiques nationales. Or,
en 2014, la situation européenne reste économiquement largement dominée par l’Allemagne crainte, contestée voire détestée dans certains pays.
Martin Schulz veut croire que sera surmontée cette identité allemande : « Les gens qui me connaissent savent que je suis d’abord un homme politique européen, qui vient d’Allemagne. Mario Draghi est italien, il a même été envoyé par Berlusconi, mais à la tête de la BCE, plus personne ne le voit comme italien.
Et puis, l’Allemagne n’est pas homogène, je ne suis pas un représentant de l’austérité. Je représente une autre opinion allemande en Europe. » ("Le Monde" du 27 mai 2013).
Peut-être que son plus lourd handicap, ce n’est pas d’être allemand mais d’être social-démocrate dans une
Europe où la France, l’Allemagne et l’Italie apporteront au PSE son plus fort contingent potentiel de députés européens, ce qui explique la présence fréquente de Martin Schulz en France, ne
serait-ce que pour se faire connaître des électeurs français (à quand une émission "Des paroles et des actes" avec lui en invité principal ? quand les Français s’apercevront que des leaders
étrangers connaissent très bien leur langue, peut-être prendront-ils intérêt à les écouter ?).
Or, si après la période Berlusconi, l’Italie reste positionnée durablement au centre-gauche, les socialistes
français sont beaucoup trop impopulaires pour aider Martin Schulz à gagner la bataille électorale en France. Il est probable que le manque de mobilisation de l’électorat socialiste rende ces
élections désastreuses pour le PS, pas forcément par rapport au 7 juin 2009 où le PS s’était déjà effondré à 16% à cause de l’embellie écologiste, mais par rapport à l’ambition de donner au
Parlement Européen une majorité à gauche.
Et à part l’Espagne, ce n’est pas la Grande-Bretagne ni la Pologne qui iraient aider Martin Schulz dans son
projet politique.
C’est peut-être là sa principale faille, s’être fait enfermer dans une couleur politique qui, en 2014, est
sans doute très contreproductive, celle qui a le moins de potentiel électoral dans la situation actuelle. Plutôt que d’avoir couru aux différentes investitures socialistes ou sociales-démocrates,
Martin Schulz aurait mieux fait de se dégager de ce carcan qui le plombe et de s’établir en homme libre, capable d’aller au-delà de l’esprit partisan pour redonner confiance à l’idée européenne
pour une large majorité de citoyens européens.
Son pari est pourtant simple : réduire le débat électoral à un duel entre deux personnalités, et miser
sur le fait que le candidat qui sera soutenu par le PPE affiche une personnalité moins affirmée, ou, du moins, moins charismatique que lui. Et là, peut-être n’aura-t-il pas tort… mais dans tous
les cas, réussir à faire élire une majorité PSE au Parlement Européen de mai 2014 sera un très grand exploit qui ne pourra être que le résultat de son grand savoir-faire politique. En clair,
c’est un jeu quitte ou double.
Aussi sur le
blog.
Sylvain Rakotoarison (7 février
2014)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Erasmus et le Parlement Européen.
La construction
européenne.
L’Union
Européenne des Vingt-Huit.
L’Allemagne et la
France.
L’amitié
franco-allemande.
L’Europe, c’est la paix.
Brevet unique européen.
François Hollande.
Pierre Moscovici.
Jean-Claude Juncker.
Daniel Cohn-Bendit.
Euroscepticisme.
Le syndrome anti-européen.
Pas de nouveau mode de scrutin aux élections européennes, dommage.
http://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/l-europe-prochaine-selon-monsieur-147674