Par Aymeric de Villaret.
La Une du Parisien du 20 janvier était quelque peu surprenante, avec un titre en première page assez provocateur : »Le pétrole bientôt à moitié prix ? ».
En cette période où la balance énergétique française est déficitaire, baisser les achats de brut (puisque nous n’en produisons quasiment pas) de moitié serait un sacré ballon d’oxygène pour l’Hexagone.
Aussi, face à cette question, il nous semble préférable de prendre un peu de recul, car si l’on vit trop d’espoir, la déception risque d’en être que plus brutale…
Les éléments avancés dans cet article pour expliquer cette chute sont bien réels :
1) Révolution de l’huile de schiste aux États Unis avec une production pour le pays qui augmente fortement, puisque celle-ci est passée, selon les chiffres de l’AIE publiés le 21 janvier, à 10,34 Mb/j en 2013 (contre 9,18 en 2012) et qu’elle devrait atteindre 11,35 Mb/j en 2014.
2) Les États-Unis, grâce à cet essor de l’huile de schiste, vont devenir le premier producteur mondial de pétrole selon les prévisions de l’AIE dès 2015.
Mais, et c’est là que nous pensons qu’il faut être prudent et reprendre ce que pensent l’Arabie Saoudite et son ministre du pétrole Ali-al-Nouaïmi, le « surplus » à craindre consécutif à la montée de la production des États-Unis risque bien d’être temporaire, car :
a) Le plafond de production de l’huile non conventionnelle (tight oil en anglais) des États-Unis sera atteint très rapidement (avant 2020).
b) À l’inverse du gaz de schiste, les États-Unis devraient demeurer importateurs de brut.
c) Le point mort de l’huile de schiste américaine dans les régions où elle se développe (Utica) est assez élevé (supérieur à 60 $), limitant d’autant la chute éventuelle des prix.
d) Les principales réserves de brut se situent dans les pays de l’OPEP et ceux-ci ont besoin d’un cours du baril supérieur à 80 $ pour équilibrer leurs budgets.
e) Les tensions géopolitiques (Iran, Irak, Égypte, Sud-Soudan, Syrie et Libye) n’ont pas disparu : les risques de perturbation de production demeurent.
f) Et pour finir, l’expérience a montré que les anticipations de croissance de production des nouvelles productions ont souvent (et même très souvent) été surestimées… i.e. Ghana, Ouganda, Irak.
Soulignons aussi que toute chute exagérée des prix (à l’image de celle de 2008-2009) entraînerait une baisse des investissements et, de facto, une remontée des prix.
Les réserves de pétrole se trouvent majoritairement dans les pays de l’OPEP, et les pays de l’OPEP doivent investir ne serait-ce que pour maintenir leurs productions…
En effet, il ne faut pas oublier que, du fait du déclin naturel des champs pétroliers, le monde se doit de trouver tous les deux ans quasiment une nouvelle Arabie Saoudite juste pour maintenir la production mondiale : l’Arabie Saoudite a produit en 2013 9,7 Mb/j de pétrole. Cela se compare avec une hausse annuelle actuelle de la production des États-Unis de 1 Mb par jour…
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Article publié à l’origine sur le site lasyntheseonline.fr et reproduit ici avec l’autorisation de l’éditeur.