Tout commence par un état des lieux, relevé toponymique, touristique et méticuleux d'un village sans histoires, Châtillon-en-Bierre, "situé au centre de la France, entre Auvergne et Morvan."
Un peu déconcertant.
Ce qui l'est davantage, c'est que le village et le canton alentour va brusquement être coupé du monde, la nuit fatale du 14 au 15 septembre 2012, obligeant les habitants à vivre en autarcie et ..solidarité forcée. A revoir la hiérarchie de leurs priorités, comportements et relations.
A survivre, tout simplement.
"Quant aux paysans, ils étaient considérés désormais comme des messies, voire des demi-dieux. L'avenir du village était dans leurs champs. On parlait d'eux avec crainte et respect, on regardait émus leurs tracteurs rouler majestueusement dans les rues, sans se plaindre comme jadis qu'ils soient bruyants, qu'ils bloquent le passage ou qu'ils laissent derrière eux des mottes grasses et une puissante odeur de foin. Pour un peu, beaucoup auraient ôté leur casquette devant ces engins monumentaux, et certains seraient même tombés à genoux."
Revêtant le monocle de l'anthropologue, la plume du conteur, le narrateur observe les comportements induits par cette mise en quarantaine inexpliquée, sorte de fin de monde programmée Irrésistible pince-sans-rire, flaubertien à plus d'un égard, il pousse à leurs combles, réflexion politique et logique de situation.
Une logique de l'absurde.
Un roman savoureux. Bien ficelé. Intrigant.
Du Bernard Quiriny, tout simplement.
Le village évanoui, Bernard Quiriny, roman, Ed. Flammarion, fév.2014, 218 pp, 17 €
Billet de faveur
AE : Emergeant doucement sur la scène, Jérémie, l’écrivain, est celui qui semble le mieux vivre le huis-clos. Il convertit son ambition de devenir un écrivain célèbre en celle de servir la postérité. Et de s’interroger : « Etait-ce au fond si terrible ? » C’est bien cela la question…
Bernard Quiriny : Peut-être pas si terrible, non. Un peu angoissant au début, sans doute, mais j'incline à penser que l'animal humain s'adapte à tout, et qu'au bout d'un moment la surface des eaux se reforme toujours. Comme dit un autre personnage, de toute façon : avant le monde était trop grand, maintenant, il est trop petit. Dans les deux cas, c'est absurde. Donc, pourquoi s'en faire ?