Nous sommes en 1942: l'Europe est à feu et à sang, la Suisse est travaillée de sombres influences. A Payerne, rurale, cossue, ville de charcutiers, le chômage aiguise les rancoeurs et la haine ancestrale du Juif. Autour d'un gauleiter local, le garagiste Fernand Ischi sorti d'une opérette rhénane, et d'un pasteur sans paroisse proche de la légation nazie à Berne, le pasteur Lugrin s'organise un complot de revanchards au front bas, d'oisifs que fascine la virilité germanique. Ils veulent du sang. Une victime expiatoire. Ce sera Arthur Bloch, marchand de bestiaux...
A lire ce récit, je ne peux manquer de penser au roman Le rapport de Brodeck écrit par Philippe Claudel, paru en 2007 chez Stock. Même trouble d’une mémoire devenue inutile aux collectivités, même remord, même justification ou déni des individus qu’une abjecte réalité dérange. Dans un style concis, évocateur et respirant les lieux du drame, Jacques Chessex nous invite à revisiter une histoire bien de chez nous contre l’effacement, la banalisation et finalement l’oubli. Avec rage et conviction, comme lui seul sait le faire.
Egalement disponible en coll. Livre de poche (LGF, 2010)