Deux mecs cherchent les clefs de la voiture d'un d'entre eux...
La critique baffienne de Borat
"Les gens ont envie de le voir maintenant qu'il n'est plus au cinéma (...) Quand il était dans les salles, ça ne les dérangeait pas"; "quand t'as Némo et Le seigneur des anneaux, t'es tout petit. -C'était qui le tien, c'était Némo ou Le seigneur des anneaux? -Moi j'étais parti pour les niquer tous les deux mais il y a eu un contretemps": voilà des propos tenus dans l'émission Tout le monde en parle qui caractérisent très bien la rancoeur de Laurent Baffie après le flop des Clefs de bagnole et même s'il y va dans l'ironie. L'ironie veut que le film a réussi à se faire une petite réputation alors qu'il s'est pris un méchant flop à 200 000 entrées. Comme il le disait plus haut, quand votre film se retrouve diffusé entre le dernier Pixar et le dernier volet d'une saga tant attendue, il y a des chances d'y perdre sa chemise. Et en plus quand votre accroche aussi ironique soit-elle dit "n'y allez pas c'est une merde!", le public est du genre à le prendre au premier degré (quoique pour Les bronzés 3 c'était "les mêmes en pire" et tout le monde y est allé). Les clefs de bagnole est un drôle d'objet, un véritable ofni qui joue de son statut avec une jouissivité rare. Le synopsis ci-dessus ne l'est pas vraiment, c'est juste un prétexte pour que Baffie expérimente, permettant à Daniel Russo et lui d'être en total roue libre.
Car dès les premières minutes, Baffie dévoile sa mise en abîme, les clefs de bagnole perdues permettant au comique de faire un film dans le film où se croisent à peu près tout le monde, allant du fidèle Pascal Sellem en serveur à Gérard Depardieu en fromager en passant par Jamel Debbouze. Baffie ne cache jamais que son film est une immense mascarade puisqu'il joue des codes cinématographiques. Les faux-raccords? Il y en a et il s'en moque à travers une scène jouissive où il se retrouve avec diverses perruques et autres postiches d'un plan à un autre, tout en se justifiant de le faire devant un Daniel Russo médusé. Des inserts animés? Il y en a avec une poursuite totalement timbrée dans Paris ("tu veux un café? Ah non on n'a pas le temps" dixit Baffie alors qu'il dégomme une terrasse de café). De la stop motion? Il y en a avec une version Wallace et Gromit de Baffie et Jamel (je vous laisse imaginer qui est le chien). Des fausses interviews? Il y en a avec les micro-trottoirs phares de Baffie selon certains passages du film genre "iriez-vous voir un film appelé Les chefs de bagnole?". Un appart amenant à une plage par une simple porte? Il y en a et autant dire que l'été sera chaud (et hop une référence pourrie).
Du fond vert dans une voiture? Et comment au grand drame de Daniel Russo. Des producteurs et acteurs qui essuient des refus? Oh que oui! C'est même l'une des parties les plus amusantes, cette ouverture durant au moins six minutes. Ainsi, Claude Berri a un immense drapeau tricolore derrière son bureau, Alain Terzian se retrouve avec une affiche d'Opération corned beef (le film dont tu ne te vante pas dans une carrière même s'il a marché) et surtout Dominique Farrugia avec une affiche de Citizen Kane avec comme star... Dominique Farrugia! Sans compter tout ces acteurs qui refusent de tourner dans le film à l'image de Guillaume Canet, Gérard Darmon ou Jean Dujardin. Les meilleurs sont tout simplement Albert Dupontel ("va falloir une bonne chance pour la sortie!") et Jean Rochefort ("j'ai tourné avec les plus grands, c'est pas pour tourner avec les plus petits"). Baffie expérimente tout et c'est aussi ça qui fait la force du film. Il réussi l'air de rien à faire une vraie parodie du cinéma en ratissant large, en sortant des scènes souvent débiles (la séquence du chien avec Alain Chabat vaut son pesant de cacahuètes quand Chantal Lauby reprend le rôle d'Odille Deraie) mais avec un plaisir indéniable.
C'est tellement gros que cela en devient amusant et même le concept lui-même ne tombe jamais à plat. Evidemment, ceux qui n'aiment pas Laurent Baffie risque de sérieusement s'ennuyer voire de trouver le film assez lourd; mais le film est tellement volontaire dans sa thématique de faire un film hybride que cela en devient terriblement jouissif. Le film est tellement gros qu'on en voudrait encore un petit peu même si le concept serait devenu obsolète. On retiendra quelques moments particuliers de cette comédie pour le moins trop oubliée. Ainsi le passage au restaurant est énorme avec Baffie et Russo se tapant un mix de tout le menu ("il est bon le fois gras! -On sent bien le goût du pinard") et quand c'est l'heure de l'addition c'est comme souvent assez magique: "l'addition c'est pour moi! -C'est vrai? -Je déconne." On pense également au passage dans la maison de retraite avec comme souvent des bulles curieuses ou le bonhomme des vignes que l'on croirait sorti du premier film de Sam Peckinpah. On relève quelques jolies répliques par ci, par là: (Daniel Russo voyant l'aquarium qui entoure les waters, oui Baffie a osé faire chier Russo face à des requins) "Avec tout ce pognon, il aurait pu mettre trois gambas!", "C'est quoi le titre du film? -Les clefs de bagnole! -Bah oui je suis con!", "Moi quand j'ai faim, je chie les dialogues!" et enfin "Menu gastro? -Non, j'en ressors...".
Un portnawak jouissif et typique de son auteur qui mérite largement une sacrée réhabilitation.
Note: 17/20