Luo Dan : le soleil se lève à l’Est

Publié le 07 février 2014 par Pantalaskas @chapeau_noir

"On the road"

"Nord Sud" 2008 Luo Dan

Lorsqu'en 1947 Jack Kerouac se lance sur la route vers l'Ouest américain, cette équipée sauvage prend l'allure d'une rupture provocatrice avec la société américaine de son temps. Cette fuite en avant trépidante a laissé sa trace dans un livre flamboyant qui reste encore dans nos mémoires.
Aujourd'hui,  c'est dans un tout autre périple que nous entraîne l'exposition de la galerie Laure Roynette à Paris. Loin de la fureur de vivre américaine des années cinquante, le photographe Luo Dan, qui travaille comme photo-reporter depuis 1997 pour des journaux et magazines chinois, a entrepris une nouvelle Longue Marche.
Le « On the road ». de Luo Dan  n'est pas seulement situé aux antipodes géographiques de celui de Kerouac, il en est également à l'opposé culturel. Le jeune photographe chinois s'est engagé sur cette voie pour une quête paisible, attentive, attentionnée.

"L'Airpocalypse"

Depuis que la Chine s'est éveillée à l'ère industrielle, depuis qu'elle est devenue un interlocuteur majeur, incontournable de la mondialisation, cette civilisation aux traditions séculaires a été soumise à une accélération  du temps riche en promesses  mais aussi redoutable par son prix humain. Est venu le temps de l' "Airpocalypse" reconnaissent eux-mêmes les chinois.
Luo Dan, plutôt que de proposer une vision contrastée et provocatrice de cette course effrénée vers le "Toujours plus", a choisi de prendre son temps et de prêcher par l'exemple cette quête de valeurs, celles de l'histoire de son pays et de son peuple.
S' équipant d'une volumineuse chambre photographique, il  a entrepris de délivrer un témoignage pacifique, avec une lenteur apaisée peut-être déjà oubliée par les siens. Du Nord au Sud, et d' Est en Ouest, le photographe a posé avec bienveillance le regard sur un monde  désorienté : celui d'un productivisme insolent sujet aux gâchis, aux erreurs, aux scories de l'industrialisation, notamment avec une pollution endémique. Mais il a porté aussi son attention sur une population laissée pour compte, en retrait, aux repères disloqués. A la différence du photo-reportage captant l'instant fugitif, les photographies réalisées au cours de ces périples  expriment une toute autre démarche.

Temps de pause

"Nord Sud" 2008 Luo Dan

Nous ne sommes plus dans l'immédiateté d'un temps de pose photographique, nous sommes dans l'approche délicate et respectueuse d'un temps de pause, celui qu'il faut prendre pour aborder sereinement le sujet humain, obtenir son consentement, l'associer au regard porté sur lui. Luo Dan n'est pas Kerouac. Il n'est pas non plus Michael Moore avec ses investigations intransigeantes et ses « documoqueurs ». Non, le photographe chinois donne à son témoignage un ton personnel fait de mesure et de discrétion.
La dimension humaine, le respect de l'autre, la prise de conscience des enjeux vitaux paraissent autant de paramètres qui entrent en considération dans sa façon de nous faire découvrir sa terre et ses hommes.  A l'image de cette retenue, ses photographies traduisent elles aussi cette même modération : images douces aux faibles contrastes, aux lumières diffuses, sobriété des cadrages.

Le soleil se lève à l'Est

Si bien qu'au-delà de la course productiviste de la nouvelle Chine, dans l'immensité de ce pays tourné vers sa trépidante marche en avant industrielle, une lueur d'espoir pourrait (peut-être) poindre à l'horizon et  donner à espérer la renaissance de valeurs attachées à la condition humaine, au respect des individus. Plutôt qu'un témoignage ethnographique sur une société en voie de disparition, plutôt qu'un regard nostalgique et désabusé, le photographe met devant nos yeux la nécessaire remise au premier plan de l'humain. Un nouveau siècle des Lumières serait-il envisageable  sur cette terre  où le soleil se lève à l'Est ?

Photos Luo Dan, galerie Laure Roynette

LUO DAN

Série " ROUTE 318 "

31 janvier au 22 février 2014
Galerie Laure Roynette
20 rue de Thorigny
75003 Paris