Vous le savez, la voltige aérienne occupe une place privilégiée dans mon cœur. Et c’est avec une attention toute particuličre que j’ai suivi les derniers championnats du monde de voltige (WAC 2013), qui se tenaient au Texas, ŕ l’automne dernier.
N’ayant pu me rendre sur place, j’ai, grâce au site internet officiel, suivi en temps réel les performances des Français, et notamment celle de François Le Vot dit Ť Zool ť, pilote de l’EVAA (Équipe de Voltige de l’Armée de l’Air) qui a remporté haut la main la coupe en individuel, pour le plus grand bonheur de toute la France aéronautique.
Le Vot entre dans l’armée de l’Air en 1990 et est breveté pilote de chasse en 1992. Dčs 1993, il devient instructeur Epsilon TB-30 au 3e escadron d’instruction en vol de Cognac. En 1996, il intčgre le prestigieux (et célčbre) escadron de chasse 1/2 Ť Cigognes ť oů il volera sur Mirage 2000RDM, puis RDY. En 1999, il devient instructeur au 2e escadron d’instruction en Vol de l’école de chasse, ŕ Tours. Mais c’est en 2002 qu’il rejoint l’EVAA oů il n’aura de cesse d’améliorer ses résultats d’année en année, jusqu’ŕ devenir champion du monde de voltige aérienne.
En 2014, son temps au sein de l’armée de l’Air arrive doucement ŕ son terme. Ainsi, Le Vot ne participera peut-ętre pas sous les couleurs de l’EVAA, aux prochains WAC qui se dérouleront en France, en 2015. Il ne sait d’ailleurs pas non plus s’il remettra son titre en jeu au sein d’une écurie privée. Mikhail Mamistov, le Russe vice-champion du monde, serait malheureux de ne pas pouvoir prendre sa revanche…
Mais Zool n’a pas tiré sa révérence pour autant, et vous pensez bien qu’un compétiteur de sa trempe n’aura pas négligé sa reconversion. Et quelle reconversion !
En effet, s’il quitte l’armée et donc l’EVAA, il ne délaissera pas la compétition pour autant. Loin de lŕ ! Mais, ce sera au prix d’un changement d’environnement radical.
Car la nature męme de la compétition ŕ laquelle il participera, n’aura plus rien ŕ voir : les juges ne seront plus assis dans des transats, lunettes de soleil sur les yeux et tęte levée vers son monoplace, ŕ vérifier que son programme est parfaitement conforme ŕ l’Ť Aresti ť qu’ils ont sur leur fiche. D’ailleurs, il n’y aura plus qu’un seul juge : il sera seul ŕ décider de la victoire de tel ou tel compétiteur. Il sera ŕ la fois beaucoup plus souple quant ŕ la qualité des manœuvres, et bien plus intransigeant ŕ la fois : c’est… le chronomčtre !
En effet, dčs la fin de ce mois de février 2014, notre champion se rendra ŕ Abu Dhabi pour la premičre manche de la Ť Challenger Cup ť, formule promotionnelle des Red Bull Air Races (RBAR), fameuses courses de pylônes conçus en toile, organisées par le fabriquant de petites canettes de soda énergétique du męme nom.
Si ce ne sera pas un coup d’essai pour lui – Zool a effectué des essais libres en 2008 – c’est en juin 2013 que les choses se sont précipitées : Red Bull l’a contacté pour lui demander de participer ŕ la Challenger Cup. Précisément, c’est Sergio Plá, directeur de compétition chez RBAR et ami de longue date, qui le pressentait et lui a demandé de s’engager dans cette compétition hors normes. Face ŕ l’enthousiasme de son ami, Zool n’a pas hésité : il a immédiatement relevé le défi.
La Challenger Cup, est aux RBAR ce que la Formule GP2 est ŕ la Formule 1. C’est l’antichambre des RBAR. Chaque concurrent devra faire ses preuves pour Ť charmer les sponsors ť. Tous seront aux commandes du męme type d’appareil, un Extra 330LX. Cet avion est une version biplace du E-330SC, un peu comme le E-330LC auquel Le Vot était habitué, pour la formation des recrues de l’EVAA, mais doté d’une aile plus performante.
En Challenger Cup, les rčgles sont les męmes que pour la catégorie reine : le meilleur temps gagne, moyennant quelques contraintes bien connues des aficionados de ce sport : outre le fait de devoir passer entre les pylônes, les couleurs indiquent la position dans laquelle l’appareil doit se trouver au moment oů il les franchit (ŕ plat ou sur la tranche), et des marquages délimitent une hauteur minimum et maximum de passage. Tout manquement sera sanctionné par des secondes supplémentaires au chronomčtre. De nouvelles rčgles feront également leur apparition cette année, notamment les facteurs de charge ŕ ne pas excéder, revus ŕ la baisse. Sur ces nouveaux points de rčglements, pour l’heure, Red Bull demeure plutôt taciturne.
Les pilotes de la Challenger Cup seront au nombre de huit. Ainsi, François Le Vot aura face ŕ lui, Tom Bennett (Grande Bretagne), Petr Kopfstein (République Tchčque), Peter Podlunsek (Slovenie), Daniel Ryfa (Sučde), Claudius Spiegel (Allemagne), Juan Velarde (Espagne) et… Mikaël Brageot, un autre français bien connu dans le monde de la voltige aérienne, également médaillé d’or avec l’équipe de France aux derniers WAC, qui, je n’en doute pas, brillera également dans cette catégorie.
Espérons que nos frenchies sauront remporter des victoires en Challenger Cup, et peut-ętre accéder ŕ la catégorie reine, dčs 2015.
Sur ce dernier point, lorsque j’ai demandé ŕ Zool s’il se sentait ŕ l’aise dans ce championnat et s’il estimait ętre capable de gagner des courses, la réponse qu’il m’a faite a été d’une trčs grande humilité : Ť Je sais que c’est une compétition dangereuse, et, lors de mes essais, j’ai vu que j’étais capable de tourner en toute sécurité : j’y ai pris énormément de plaisir, sans jamais me faire peur. Pour ce qui est de gagner des courses, j’ai toujours appréhendé la compétition de cette maničre : Je me sens capable de participer, mais je ne me sens pas nécessairement capable de gagner. Cet état d’esprit m’a toujours servi dans tout ce que j’ai entrepris, depuis mon plus jeune âge (…). Je ne me concentre pas sur l’objectif, je me focalise sur le chemin qui me permet de l’atteindre. Ce qui est sűr, c’est qu’une fois que je serai en course, je ferai tout mon possible pour faire des [bons] temps. C’est avant tout un combat contre moi-męme ! ť
Ainsi, en plus d’un grand pilote, voici que j’ai découvert une personne admirable, d’une grande gentillesse et d’une profonde modestie. Le camarade que tout le monde voudrait avoir ŕ ses côtés.
Bonne chance ŕ toi, Zool ! Le 28 février prochain, nous suivrons tes évolutions serrées ŕ 350 km/h, nous retiendrons notre souffle quand tu passeras entre les pylônes et nous contracterons les abdos avec toi, lorsque tu encaisseras 10 g.
Enfin, nous subirons l’appréhension, le trac et le stress ŕ ta place s’il le faut, pour qu’ainsi, de ton côté, tu puisses continuer ŕ focaliser ton attention sur ce qui t’a toujours fait gagner : le calme, le flegme, la concentration, la paix…
Bastien Otelli – AeroMorning