Estela de Carlotto, la présidente d'Abuelas,
pendant la conférence de presse, à côté du portrait des disparus
Il s'agit d'une femme de 37 ans qui, à la fin du mois d'octobre dernier, s'est présentée d'elle-même à l'association pour lui faire part des doutes qu'elle avait sur son identité de naissance. Elle n'a pas voulu rencontrer la presse ni donner des informations sur elle-même.
Sa mère adoptive lui avait un jour confié que la Police Fédérale
l'avait remise à son mari, devenu son père adoptif, le 31 décembre
1976, en prétendant que le bébé avait été trouvé abandonné le
long d'une route et comme ils avaient déjà adopté un premier
enfant.... L'homme qui avait accepté cette nouvelle adoption que lui
et sa femme savaient frauduleuse était lui-même policier. Et en
effet, les analyses ADN ont permis d'identifier ses véritables père
et mère, Oscar Rómulo Gutiérrez et Liliana Isabel Acuña. Lui
était né le 17 avril 1951 à La Tablada et elle le 30 mai 1952 à
Buenos Aires. Tous deux étaient des militants montoneros, la branche
révolutionnaire du péronisme. Ils ont été arrêtés à 6h30 du
matin le 26 août 1976, avec la sœur et le beau-frère de la jeune
femme, par des assaillants lourdement armés et en tenue civile. Liliana en
était alors à son cinquième mois de grossesse. On perd assez vite
leurs traces après la naissance d'une petite fille, lorsque la
police s'est rendu compte qu'un de ses agents avait donné, en
cachette, des nouvelles de l'accouchée et du bébé à sa famille,
ce en quoi bien entendu il avait eu le courage de contrevenir aux
ordres, d'autant qu'il avait laissé entendre que les prisonniers
étaient maltraités. Et on sait en effet qu'ils ont tous deux et sans doute tous les quatre été
torturés dès leur arrestation, dans la voiture banalisée qui les
conduisait au commissariat où ils ont été détenus dans la cave
avec une douzaine d'autres personnes.
La
conférence de presse, convoquée le 5 février, se tient alors que
le pays est en deuil pour un incendie meurtrier qui s'est produit
avant-hier, dans le quartier de Barracas, dans un entrepôt d'une multinationale
nord-américaine visiblement abonnée aux incendies industriels
puisque ses locaux ont subi ce même sort un peu partout dans le
monde, ce qui indiquerait une faute de gestion
délibérée dans la prévention du risque. Des soldats du feu ont
trouvé la mort en luttant contre le sinistre, au nombre desquels la première
femme à avoir jamais intégré le corps des pompiers de la Police
fédérale. La bonne nouvelle de cette identification est donc
traitée avec beaucoup plus de discrétion que d'habitude par
Página/12.
Qui plus est, la grand-mère de la jeune femme, qui
militait dans les rangs de Abuelas, est maintenant décédée :
elle n'aura donc pas eu la joie de savoir ce qu'il était advenu de
sa petite-fille née dans une prison clandestine du régime.
Photo Télam
Il reste encore environ 400 personnes enlevées en bas âge et sans doute vivantes à l'heure actuelle, dont les familles demeurent encore sans nouvelle de leur devenir.Pour aller plus loin : lire l'article de Página/12
lie l'article de La Nación
lire l'article de Clarín lire l'article de InfoBAE lire le communiqué publié par Abuelas, sur lequel vous pourrez accéder aux vidéos de la conférence de presse donnée hier midi.