C’était dans le journal … le 6 février 1914

Par Zappeuse

La loi instaurant une justice des mineurs en France date de 1912, mais elle n’est entrée en application qu’en février 1914. Le premier mineur ainsi jugé était un commis de ferme nommé Redureau, qui, âgé de 15 ans, a tué sept membres de la famille de son employeur. L’affaire se passe au Landreau, en plein pays du Muscadet, et c’est donc le tribunal de Nantes qui est compétent.
Comme l’explique l’article paru le 6 février 1914 dans L’Ouest-Eclair, le jeune Redureau "sera traduit devant un tribunal pour enfants et non en cour d’assises". C’est bien la mise en application de la loi de 1912, qui prévoit une justice séparée pour les mineurs, alors qu’auparavant, et ce quel que soit leur âge, ils étaient jugés comme les adultes. La loi prévoit de classer les mineurs selon leur âge, donc selon leur degré de maturité : ayant 15 ans au moment des faits, le jeune Redureau bénéficie d’une excuse atténuante de minorité, puisque cela s’appliquait aux mineurs de moins de 16 ans, âge au-delà duquel plus aucune excuse de minorité n’était retenue.
Le tribunal pour enfants, dont une des limites est de ne pas encore être doté, à cette date, de juges spécialisés pour enfants, a une procédure qui lui est propre. "Cette juridiction tend, avec une sollicitude marquée à préserver le mineur du danger moral du contact et de l’exemple". Cela n’empêchera néanmoins pas le tribunal de condamner Redureau à 20 ans de prison (où il mourra de tuberculose deux ans plus tard), mais ce garçon aura pu comparaître de manière plus sereine (si tant est que ce terme soit approprié) que dans un tribunal pour adulte : "le mineur comparait seul", il bénéficie "d’un huis-clos spécial", "la publication du jugement […] n’est permise que sous réserve de l’indication du nom du mineur par une simple initiale". On voit là, en filigrane, poindre la loi de 1945, mais il y a encore du chemin à parcourir.