La perte de la main est une sérieuse entrave à la qualité de vie. Amputé du bras gauche, Dennis Aabo Sørensen, s’était entendu dire de son médecin : » Il y a deux façons de regarder ce qui vous arrive. Vous pouvez vous apitoyer sur vous-même, ou faire face et choisir d’être reconnaissant pour ce que vous avez. Je pense que vous allez adopter la seconde option« . Aujourd’hui Dennis est devenu la première personne amputée à retrouver le sens du toucher avec une prothèse reliée aux nerfs périphériques. Il peut aujourd’hui saisir des objets d’une manière naturelle et, les yeux bandés, en identifier la consistance. Cette prothèse expérimentale mais sensorielle développée dans le cadre du projet européen LifeHand 2 est décrite dans l’édition du 5 février de la revue Science Translational Medicine.
La prothèse expérimentale, équipée d’un système sensoriel artificiel et reliée aux nerfs périphériques du haut du bras, a été mise au point par l’équipe de Silvestro Micera, au Centre de neuroprothèses de l’EPFL et à la Scuola Superiore Sant’Anna de Pise (SSSA, Italie), le prototype a été testé à l’hôpital Gemelli de Rome lors d’un essai clinique sous la supervision de Paolo Maria Rossini. Grâce à ce dispositif, le patient, 9 ans après son accident, peut à nouveau sentir les objets qu’il manipule.
Les chercheurs rappellent que toute la difficulté pour développer un dispositif proche de la main est de redonner au patient à la fois une maîtrise du mouvement par un décodage fiable de ses intentions mais aussi les sensations perçues normalement lors de la saisie ou de la manipulation d’un objet. Or les prothèses actuelles ne satisfont pas ces exigences, en particulier au niveau rétroaction sensorielle.
Une prothèse de main à perception sensorielle : Ici, en utilisant des électrodes et des capteurs sur la prothèse reliée aux nerfs périphériques, ils parviennent à renvoyer l’information sensorielle permettant ainsi au patient de moduler efficacement et avec un grand degré de finesse, sa force de préhension via la prothèse, sans aucun retour visuel ou auditif. Lorsque le patient manipule un objet, les capteurs qui réagissent à la tension de tendons artificiels, créent un courant électrique traduit en un langage analogue aux impulsions nerveuses, puis transmis à des électrodes greffées sur les nerfs périphériques du bras du patient. Le sens du toucher est ainsi rétabli, explique Stanisa Raspopovic, premier auteur et chercheur à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL).
Ainsi, lors des tests, le patient, aujourd’hui âgé de 36 ans, s’est montré capable de saisir des objets d’une manière naturelle et, les yeux bandés, d’en identifier la consistance : « Lorsque je soulevais un objet, je pouvais sentir s’il était doux ou dur, rond ou carré« .
Le prototype marque un premier pas vers la réalisation d’une main bionique complète, capable de restituer non seulement les fonctions de base, mais aussi les sensations. Mais il faudra encore patienter quelques années avant que la technologie ne soit disponible pour les personnes amputées. Mais l’approche pourrait permettre d’améliorer considérablement l’efficacité et la qualité de vie.
Opéré le 26 janvier 2013, à l’hôpital Gemelli de Rome, Dennis n’a pu garder qu’un mois ses électrodes, conformément à la législation sur les essais cliniques. Mais les scientifiques pensent qu’elles pourraient rester implantées et fonctionnelles plusieurs années sans endommager les nerfs périphériques
Sources: Science Translational Medicine 5 February 2014 DOI: 10.1126/scitranslmed.3006820 Restoring Natural Sensory Feedback in Real-Time Bidirectional Hand Prostheses (Visuels@2014 EPFL / Hillary Sanctuary, vignette © LifeHand 2 / Patrizia Tocci)
Lire aussi :VIRTUAL TOUCH: Un implant cérébral pour retrouver le sens du toucher -