En ce moment c’est un peu chaud de la bite en ce qui concerne les droits de la femme, un peu partout dans le monde. Vous n’avez pas trop de chance, parce que 1) je suis une fille femme 2) j’aime l’histoire 3) j’aime le droit 4) j’aime l’histoire du droit des femmes, et 5) j’aime un blog ou je parle de l’histoire du droit des femmes. Vous êtes vraiment vernis.
Après l’Espagne et l’IVG, les Émirats Arabes Unis et l’allaitement. J’veux dire, moi ça me va que l’actualité me file des sujets d’articles. Mais merde. J’ai le droit de ne pas avoir d’enfant, et j’ai le droit de décider de les allaiter pendant un mois, un an ou deux, et j’ai même le droit de ne pas le faire. L’histoire nous montre (presque) qu’une mère qui de par la nature est dotée de la possibilité d’allaiter son enfant, a aussi par la société, le droit de faire ce qu’elle veut. Cependant, tout le monde a toujours voulu s’en mêler, philosophes, hygiénistes, économistes…
Antiquité
Cinq siècle avant notre ère, allaiter était très important. En effet, les croyances jouaient un grand rôle en ce qui concerne la société, et il était primordial pour chacun de les respecter. Les grecs pensaient que par le lait maternel, la mère transmettait ses valeurs et son caractère à l’enfant. Aussi, laisser son fils au sein d’une nourrice c’était prendre le risque de récupérer son sale caractères, voire, ses pires défauts. Seules les grandes familles s’autorisaient à nourrir leurs enfants aux seins des esclaves. Mais petit à petit, face à la contrainte, les femmes vont se libérer du joug de l’allaitement et vont faire appel à des nourrices, d’autant plus que certains médecins interdisaient l’allaitement les vingts premiers jours après la naissance. Or, aujourd’hui, on nous encourage à nourrir le nouveau-né de colostrum, riche en protéines, et en tout ce qu’il faut. Les femmes qui décidaient d’allaiter pouvaient le nourrir avec du miel et du lait de chèvre les vingt premiers jours, puis le mettre au sein. Et vers l’âge de deux ans, hop, le biberon en terre cuite, c’est le début de la soupe, de bouillie et de lait animal.
Moyen-Age:
A partir du XIIème siècle, les femmes continuent de faire appel à des nourrices, pour des raisons physiologiques. A cette époque, les médecins pensent que le lait maternel est une transformation du sang de la femme, compte tenu du fait qu’une femme n’a pas les règles quelques mois après l’accouchement. Aussi, selon les médecins du Moyen-Age, une femme qui a des relations sexuelles se provoque les règles et rend ainsi son lait maternel moins riche et en quantité moindre. De plus, tomber enceinte alors qu’on allaite, c’est prendre le risque que le fœtus se nourrisse du sang (celui des règles qui disparaissent) et ainsi appauvrir ou faire disparaître le lait maternel.
Bon, c’est un peu tordu leur histoire, mais vu que les nanas du Moyen-Age veulent pouvoir disposer de leur corps (et coucher quand elles le veulent) sans pour autant mal-nutrir leurs enfants, elles préfèrent les mettre en nourrice. Reste à savoir si les nourrices étaient chastes ?
Renaissance, XVII et XVIIIème siècles:
Au XVIème siècle, c’est le retour des moralistes, bouh, tu n’allaites pas ton enfant, tu es une mauvaise mère ! Le docteur Benedicti affirme que si « la Nature a baillé deux mamelles comme deux petites bouteilles » c’est pour allaiter. Bin oui. Merci, mais on fait ce qu’on veut ducon.
Au XVIIème, hop, ça rebascule. Finalement, le lait de femme c’est pas si bien, les FEMMES SONT TELLEMENT PERVERTIES par le monde et la société que leur lait est mauvais, nauséabond ! Alors que la vache, la chèvre ou l’aînesse, elles, elles sont tranquilles dans leurs prés, sereines, elles vont pas courir après les garçons ou à des bals costumés.
Et, puis, l’industrialisation de la société, les femmes n’ont plus le temps, c’est le retour en nourrices. Pour les familles aisées, on fait venir la nourrice à domicile, mais pour les classes populaires qui partent travailler à la ville, dans des usines à l’air ambiant plus que pollué, on envoie l’enfant à la campagne, ça va s’accentuer au XIXème siècle…
XIXème siècle:
Les femmes modestes travaillent, les femmes aisées ont des obligations mondaines. Au XIXème, on allaite pas. De plus, le corset a fait quelques ravages sur les mamelons, l’allaitement est compliqué. S’il n’est pas fait dans les premiers jours, il y a des engorgements, c’est l’invention du tire lait. Mais il faut attendre la fin du siècle pour le tire lait à réservoir, alors on envoie l’enfant chez la nourrice, qui envoie elle même le sien chez une autre nourrice car elle ne peut pas nourrir plus de trois enfants. Au final, il y a au XIXème siècle un chiffre terrifiant : la mortalité des enfants mis en nourrice s’élève à 71%, contre 15% pour les enfants allaités par leur mère.
A ce moment là, les médecins recommandent le lait maternel, et même le colostrum. Mais surtout l’alimentation artificielle, avec le lait animal. Il vaut mieux un enfant nourri au biberon qu’un enfant en nourrice. Mais bon, c’était un peu compliqué, il fallait élever des animaux, les traire, approvisionner les villes en lait, et c’était mieux s’il n’était pas caillé.
Malheureusement, avant le lait pasteurisé, le lait animal a fait de nombreuses victimes. Alors c’était relou. Jusqu’au jour ou on a instauré des normes d’hygiènes et des biberons appropriés, entre les deux guerres.
XXème siècle :
Après la Seconde Guerre Mondiale, les nourrices disparaissent. Cependant, les femmes travaillent, elles laissent leurs enfants en crèche et c’est à ce moment là qu’apparaît le lait de substitution, le lait en poudre. Gros gros lobbying auprès des maternités, appuie financier des plus grands, publicités, tout est fait pour qu’on achète ce lait de substitution. ET c’est ce qu’il va se passer, en masse.
C’est vrai, c’est pratique, la femme retrouve son indépendance, elle peut travailler toute la journée ou vaquer à d’autres occupations. Et puis, dans les années 70, retour à la nature, retour du gosse au nichon.
De nos jours, les femmes sont une majorité à allaiter les premiers jours, mais deux mois plus tard, elles ne sont que 30%. Les femmes travaillent, les femmes sont libres, les femmes ont le choix d’allaiter pendant un mois, un an, ou deux ans. Sauf aux Emirats Arabes Unis, ou depuis quelques jours, les mères sont obligés d’allaiter leur bambin jusqu’à l’âge de deux ans, parce que de toutes façons, qu’auraient-elles d’autre à faire ?
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- En lire plus:
- Des dangers de l’envoi en nourrice : Gallica.
- Du calcul de la mortalité des enfants placés en nourrice : Gallica
- Conseil aux mères ; œuvre du bon lait : Gallica
- Le lait desséché, étude de son emploi dans la premiere enfance : Gallica
- Et si tu cliques sur les images, tu tombes sur: Gallica (bin oui)