Sous forme d’une nuée cacophonique, criquets pèlerins et sauterelles vaticanes de la Manif pour tous ont repris pied sur le pavé parisien pour lancer la nouvelle marque des revendications réactionnaires, la « familiphobie ». C’était le 2 février. Il s’agit en réalité d’un modèle dérivé de la collection 2013, celle de l’homophobie. Seulement, chacal échaudé veut être un aigle, cette fois, pour ne pas porter le poids disqualifiant d’une peur ni raisonnée, ni théorisée mais bel et bien exhibée et revendiquée, les prédateurs des libertés crient par anticipation qu’ils subissent une infâme discrimination. En piochant dans les ressources de la rhétorique, les communicants sont allés quémander un petit soutien pour affirmer leur détermination persuasive à la prolepse, figure de rhétorique consistant à prévoir une objection et à la réfuter par avance. Dans le jeu médiatique, c’est se donner un coup d’avance que d’affirmer être victime d’un complot contre la famille ourdi par un gouvernement perçu fantasmatiquement comme illégitime. Les familiphiles vénèrent la famille d’avant le divorce, d'avant les recompositions, d'avant la contraception, d'avant l’éducation à la sexualité, d'avant l’adoption, d'avant l’égalité filles-garçons, d'avant l’IVG. Ils pensent que le soleil va s'éteindre par l’assistance à la procréation aux couples de femmes. Ils prédisent l'enfer à l'idée de la GPA. Les perspectives de flirt avec la modernité sont réduites.
Proches de leurs homologues orthoptères (Schistocerca gregaria) qui, en juin 2012, à la suite d’abondantes pluies avaient envahi le nord du Niger et du Mali affectant l’éducation des enfants et l’économie des villages touchés, les criquets pèlerins et sauterelles vaticanes marchent au carburant des rancœurs, des aigreurs et des peurs. Leur béatitude sera dans la chute du ministre de l’Education, leur bête noire pour être le responsable de la diffusion du programme éducatif ABCD pour l’Egalité construit sur le principe que c’est à l’école et dès le plus jeune âge que s’apprend l’égalité entre les sexes. Faute de quoi on reviendra disent en chœur les chefs criquets que voici et la maréchale sauterelle que voilà.
Les criquets pèlerins et les sauterelles vaticanes, espèces invasives n’ont pas haché menu les végétations du Champs de Mars. Leurs mandibules voraces et indignés s’en prennent uniquement aux formes élémentaires de la vie démocratique. Ces insectes provinciaux, hargneux et baveux, drapés de rose et bleu, déambulant sur les grands boulevards, ça fait finalement mauvais genre.