Cette analyse, de chercheurs de l’Université d’Adélaïde (Australie), publiée dans le British Medical Journal, suggère qu’à trop élargir le recours aux techniques de fécondation in vitro (FIV) y compris parfois en cas de chance raisonnable de conception naturelle ou encore en l’absence de justification précise, pourrait inverser le rapport bénéfice-risque d’une technologie considérée comme l’une des percées médicales majeures du 20ème siècle. Les auteurs appellent à la définition de lignes directrices et à la mise en œuvre de bonnes pratiques.
Indiquée au départ en cas d’hypofertilité en cas de maladie des trompes, la FIV est aujourd’hui indiquée bien plus largement, et depuis les années 90, dans sa version « injection intracytoplasmique de spermatozoïdes (ISCI) », développée pour traiter les couples dans lesquels l’homme a un sperme de qualité insuffisante. Aujourd’hui, on y a recours pour d’autres types d’infertilité tels que l’hypofertilité masculine légère, la perturbation de la fertilité chez la femme liée à l’endométriose, l’effet du vieillissement sur la fonction ovarienne, ou même pour des troubles de la fécondité qui restent inexpliqués. En revanche, la stérilité tubaire ne motive plus que 10 à 16% des FIV, selon les pays, vs 25ù, il y a une dizaine d’années.
Le recours élargi à la FIV s’explique par une planification plus tardive des naissances –qui compromet également les chances de naissance par FIV- , mais aussi par l’insuffisance de confiance entre les deux couples infertiles et leurs médecins, l’attrait des nouvelles technologies et l’accès élargi aux programmes de fécondation in vitro.
La FIV pour obstruction tubaire et infertilité masculine sévère n’est pas contestée. Elle permettra à 20 à 30% des couples de concevoir (par cycle de FIV). Cependant, dans les cas l’hypofertilité inexpliquée, les études citées montrent que 2 couples sur 3 ou 4 finiront par concevoir naturellement dans les 2 à 3 ans. Les auteurs précisent que, dans ces cas, la question n’est pas de savoir si mais quand il faut intervenir. Là encore, le délai préconisé, à la lecture des données scientifiques, est estimé à 3 années de tentatives de conception. Au Royaume-Uni par exemple, ce délai tient compte de l’âge et peut être ramené à 2 ans lorsque la femme est âgée de moins de 40 ans.
· La santé à long terme des enfants nés par FIV a fait l’objet de nombreuses études. Ici, les chercheurs rappellent, le risque accru de tension artérielle élevée, d’adiposité, d’hyperglycémie et de troubles vasculaires vs les enfants conçus naturellement. Une augmentation du risque analysée comme liée à la procédure elle-même plutôt qu’à l’hypo ou infertilité.
· En France, le dispositif AMP vigilance fait état, pour 2012 de 461 événements indésirables, sur 23.000 tentatives environ, correspondant à un taux d’incidence de 2,6 effets indésirables ou incidents liés au patient déclarés pour 1 000 tentatives (Voir schéma ci-dessus et ci-contre).
La FIV est devenue une « industrie génératrice de profits », écrivent les auteurs, ce qui limite sa remise en question dans son recours trop libéral. Vrai, ajoutent-ils, non seulement pour les cliniques privées mais aussi pour les établissements universitaires. L’établissement de lignes directrices sur l’utilisation de la FIV et la mise en œuvre de bonnes pratiques sont donc urgentes. C’est un vrai choix de société, concluent-ils, « nous pouvons continuer à offrir un accès rapide, non validé par des preuves scientifiques ou suivre le chemin plus difficile des indications pour lesquelles l’efficacité et le rapport bénéfice-risque sont documentés ».
Source: BMJ2014;348:g252 28 January 2014 Are we overusing IVF? (Tableau Agence de la Biomédecine)