Quand la physique et la philosophie se rejoignent

Bonjour à tous
Nous avons toujours plaisir à évoquer les sciences dures, surtout quand les vulgarisateurs sont bons. Nous l'avions déjà fait pour décrire le chemin qu'a parcouru la vie depuis son apparition sur terre.
Pourquoi pas le faire avec la physique ? C'est ce à quoi nous invite inévitablement les vidéos du captivant Etienne Klein, directeur de Recherche au centre d'énergie atomique.

Que savons nous du temps ? 

La première vidéo à voir est à en perdre son latin. En effet, dès l'introduction, Etienne Klein nous montre que notre façon d'exprimer le temps à travers notre langage nous amène à des impasses ou à des contradictions à propos de la définition. Ensuite, il fait une sorte d'épistémologie des sciences physiques à propos du temps et de sa mathématisation. Cela lui permet de tourner autour de la notion de temps au point d'en parler d'un point vue aussi très philosophique. On finit par abandonner l'idée de définir absolument cette notion, même si des choses semblent certaines : le temps est lié au principe de causalité, au mouvement et il est impossible de le remonter. Il est aussi le seul invariant physique véritable. Mais en fait, tout dépend sans doute du point de vue de quelle théorie on se place (relativité générale, physique quantique, physique newtonienne,...).
De manière très sage, le conférencier avoue qu'il est à peu près impossible d'expliquer la véritable nature et la cause du temps. Ce serait même peine perdue de vouloir l'expliquer selon certains physiciens qui pensent que le temps n'existe pas et n'est que le produit de notre conscience.

L'univers a t-il connu un instant zéro ? 

La deuxième vidéo, toujours avec Etienne Klein, évoque bien moins la question du temps et a plus pour sujet l'origine de notre univers. Mais au lieu de poser cela comme une question évidente et orientée, Etienne Klein présente ce débat comme ouvert. Il explique de manière assez simple et accessible comment les scientifiques en sont arrivés à l'étude d'une éventuelle "origine" de l'univers et l'arrivée de la théorie du big-bang. Il présente aussi très bien les différentes théories physiques avec des exemples concrets et bien amenés et des explications claires. Et là encore, ses explications rejoignent d'autres sciences considérées comme "molles" : philosophie, linguistique et anthropologie. Il dit là encore que notre culture et notre langage conditionnent notre façon de nous poser des questions sur les origines de l'univers alors qu'il affirme que physiquement cette question n'est pas tranchée : on ne peut pas dire que l'univers n'a pas eu d'origine mais on ne peut pas affirmer qu'il en a eu une. La question même de l'origine comme étant le passage du néant à quelque chose semble biaisée par la notion qu'on a du changement. Il explique aussi très bien qu'il est impossible de comprendre totalement ce qu'il s'est passé dans les "premiers instants" (si on peut les appeler ainsi) de l'univers car les théories physiques classiques ne peuvent expliquer la configuration de l'univers à cette époque (avant ce qu'on appelle le mur de Planck). La théorie des cordes ou la théorie de la physique quantique à boucle pourraient être celles qui expliquent ces quelques fractions de secondes si complexes.

Le futur existe t-il déjà dans le présent ? 

Dans cette conférence, Etienne Klein commence avec une présentation de l'idée de progrès, d'avenir et de futur. Ce sont des idées qui en fait, étant conceptualisées par notre pensée, dépendent en partie de nous. En ce sens, l'idée qu'on se fait du futur fait que le futur est déjà présente. Mais bien évidemment, le scientifique et philosophe ne peut s'arrêter à cette conclusion qui n'est en fait que son propos introductif. Il en vient donc à l'idée de temps, puisque le futur lui est corrélé. Pour le coup, c'est un véritable interrogatoire (puisque lui même dit ne pas savoir définir la nature du temps) : le temps est-il subjectif ? Objectif ? Physique ? Le problème ne réside probablement pas dans le temps en lui même (qui s'il est considéré comme physique est indépendant des phénomènes physiques), mais dans la perception du temps, le temps propre de chaque individu. Si le temps ne peut pas être modifié en lui-même (comme l'espace), la perception du temps par deux observateurs peut-être désynchronisée. Le temps est donc le même pour tout le monde, il est universel dans la conception d'un Univers-Bloc, et il est couplé à l'espace. L'univers-bloc comprendrait théoriquement tous les phénomènes physiques qui se succèdent, ce qui implique donc que le futur existerait déjà. C'est en quelque sorte troublant si l'on revient à notre échelle : notre vie serait-elle prédestinée ? Là encore, on arriverait à la conclusion que le futur existe déjà dans le présent et que l'on va le vivre. Mais ce qui peut être dénoncé, c'est que malgré le fait qu'il aient existé ou qu'il existeront, le passé et le futur ne sont pas physiques (on ne les voit plus ou on ne le voit pas encore). C'est une critique formulée par les présentistes. C'est de cette conciliation entre présentisme et univers-bloc que l'on peut dire que le futur n'est pas complètement déterminé : il dépend en effet du présent donc tout de même de nous et nos actions. Pour essayer de conclure et de revenir à du plus concret, Etienne Klein, il ne faut pas d'utopie car celle-ci voient un horizon tellement loin et parfait qu'elles découragent de l'action. Il vaut mieux selon lui planifier à longue échelle des objectifs finis qui permettraient de réussir nos actions. 
Bien sûr, ces vidéos ne sont pas les seules, mais il est inutile de toutes les évoquer, puisqu'il reprend certaines réflexions dans plusieurs conférences. En revanche, elles poussent non seulement à se cultiver sur les sciences mais également à se poser des questions philosophiques ou métaphysiques. Ses raisonnements, ses exemples, sont toujours intéressants à suivre et le plus souvent compréhensibles sans une grande maîtrise des disciplines scientifiques. 
Vin-DEX