Ali Devine est un blogueur enseignant fort aiguisé.
Je lis régulièrement ses billets, longs et fort bien écrits. Il est souvent désabusé, mais lucide, et je me demande parfois ce qu'il peut bien proposer de positif.
Mais parfois le simple rappel des faits est parfaitement bienvenu.
A propos du débat sur les abécédaires de l'égalité, il rappelle quelques faits bien sentis dans un billet tout frais pondu.
D'abord une instruction de Jules Ferry, avec ce passage :
"...avant de proposer à vos élèves un précepte, une maxime quelconque, demandez-vous s'il se trouve, à votre connaissance, un seul honnête homme qui puisse être froissé de ce que vous allez dire. Demandez-vous si un père de famille, je dis un seul, présent à votre classe et vous écoutant, pourrait de bonne foi refuser son assentiment à ce qu'il vous entendrait dire. Si oui, abstenez-vous de le dire..."
Bon, "honnête homme", "père de famille", tout ça sent le vieux mâle blanc, à ranger aux oubliettes pourra-t-on penser.
Le blogueur propose alors des considérations plus actuelles :
"La volonté affichée de lutter à l’école contre les stéréotypes de genre est en effet bien étrange parce qu’elle s’exerce dans un domaine où le stéréotype est organisé par l’Etat. On vient expliquer aux petites filles qu’elles peuvent devenir grutières si elles le souhaitent, aux petits garçons qu’ils ne doivent pas s’interdire la carrière de sage-femme, alors qu’ils sont pris en charge par un corps enseignant féminisé à 82 % (le mouvement est en cours et pourrait bien s’accentuer au cours des prochaines années)."
Plus fort :
"les hommes, qui ne sont donc que 18 % à la base, comptent pour près de 30 % des directeurs d’école ; ils sont vraisemblablement 50 % au moins parmi les IEN (inspecteurs) ; et ils sont douze sur seize au sein de la commission de l'IGEN en charge du primaire (l’Inspection générale de l’éducation nationale est un corps placé sous l’autorité directe du ministre, dont le rôle consiste à évaluer les méthodes et les politiques éducatives). Précisons que le doyen de ladite commission est bien entendu un homme, tout comme les vingt-neuf ministres de l’Education nationale qui se sont succédés rue de Grenelle depuis l’avènement de la cinquième République."
Encore mieux :
"On explique à Etienne et Chloé que leur sexe ne les prédestine à rien de particulier. Mais depuis la petite section de maternelle ils n’ont eu que des maîtresses. Chloé risque fort d’en tirer la conclusion que ce métier est fait pour elle, et Etienne que professeur, c’est vraiment un truc de meufs.
Cette crapule d’Etienne pourrait même en arriver à un rejet plus général du savoir académique et de l’institution scolaire (surtout s’il est issu d’un milieu modeste, car la féminisation du corps enseignant accentue le décalage social entre les élèves et leurs maîtres) : la connaissance et l’autorité étant incarnées de façon quasi-exclusive par des figures dans lesquelles il ne peut se reconnaître pleinement, il sera tenté de se construire en marge de l’école, voire contre elle. On dit aux garçons qu’ils ont le droit de s’identifier à la princesse de l’histoire, et qu’ils ne doivent pas avoir honte de jouer à la poupée. Il faudrait aussi leur expliquer pourquoi une institution apparemment si bienveillante à leur égard, si désireuse d’élargir le champ de leurs possibilités, les entraîne à l’échec dans de si fortes proportions. Les garçons sont en effet surreprésentés dans TOUTES les statistiques de l’échec scolaire..."
Bon, j'arrête là de piller ce très bon blog. Il en reste à lire dans ce billet comme dans d'autres. J'espère que l'auteur ne m'en voudra pas de ces emprunts, je ne souhaite qu'inviter mes lecteurs à aller le consulter régulièrement.