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Titre : Des nœuds d’acier
Auteur : Sandrine Collette
Éditeur : Le Livre de Poche
Date de publication : 2013
Pages : 262
* Ça signifie simplement que je vais mourir à petit feu en travaillant comme un damné pour deux tarés qui me jetteront dans un trou et qui me recouvriront de terre humide quand mon heure aura sonné. Je ne suis pas sûr que ce soit ça, survivre. Ou au contraire, c'est là que le mot prend tout son sens. Juste un petit peu plus que vivre, et encore, je ne sais pas de quoi est fait ce petit peu. *
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Avril 2011. Dans la cave d'une ferme miteuse, au creux d'une vallée isolée couverte d'une forêt dense, un homme est enchaîné. Théo, quarante ans, a été capturé par deux frères, deux vieillards qui ont fait de lui leur esclave.
Comment a-t-il basculé dans cet univers au bord de la démence ? Il n'a pourtant rien d'une proie facile : athlétique et brutal, Théo sortait de prison quand ces vieux fous l'ont piégé au fond des bois. Les ennuis, il en a vu d'autres. Alors, allongé contre les pierres suintantes de la cave, battu, privé d'eau et de nourriture, il refuse de croire à ce cauchemar. Il a résisté à la prison, il se jure d'échapper à ses geôliers.
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* Les gens qui sont un peu attentifs à la planète, les convaincus du développement durable ou tout simplement les radins des poubelles ont l'habitude d'écraser sur elles-mêmes les bouteilles en plastique une fois qu'elles sont vides. Ce n'est pas au bruit que ça fait que je pense, mais au résultat : une bouteille comme un accordéon, qui doit faire le tiers de sa hauteur initiale. C'est à ça que je ressemble à l'intérieur. Un empilement de hauteurs écrabouillées. C'est ainsi que je me ressens, oui. *
Avec son premier roman, Sandrine Collette nous entraîne dans un univers glaçant et angoissant, dans lequel tout espoir de s’échapper est vain. Théo, la quarantaine, vient de sortir de prison. Endurci par cette difficile expérience, il est prêt à recommencer sa vie, mais le tout tourne au cauchemar lorsqu’il se retrouve piégé par deux vieillards qui font de lui leur esclave. Seul, traité comme un chien, il tente de survivre, sans se douter que son calvaire est loin d’être terminé et que l’avenir lui réserve des épreuves bien pires encore que ce qu’il a pu endurer jusque-là.L’intrigue est simple, le style d’écriture aussi. Le roman commence par une petite introduction qui situe le contexte et donne d’emblée le ton sombre qui prédominera au fil des pages ; on comprend immédiatement que l’on n’aura pas affaire à une « happy end », mais ce qui suit est bien plus choquant que ce à quoi on peut s’attendre. Tout commence pourtant relativement bien pour Théo, qui est enfin relâché de prison. Le récit à la première personne nous permet de partager son ressenti par rapport à cette période de sa vie et les évènements qui l’ont conduit en « zonzon », et d’apprendre à le connaître. La première impression de ce personnage n’est pas des plus favorables, je dois l’admettre, mais la suite nous fera éprouver – bien malgré nous – une pitié certaine pour cet homme réduit au statut de chien, et on en viendra même à s’identifier à lui.Le moment décisif de la capture de Théo marque une rupture très forte avec les scènes calmes et tranquilles qui précèdent directement. On en venait à croire qu’il s’en sortirait, qu’il recommencerait une nouvelle vie, meilleure et, soudain, tout s’effondre. En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, le voilà plongé dans un univers oppressant, d’une cruauté extrême. Au début, l’espoir subsiste, pour nous comme pour lui. Il s’en sortira, il réussira à s’échapper. Pourtant, rapidement, la violence se fait plus forte, l’ambiance plus inquiétante, les vieux plus fous. Et nous en venons à nous résigner avec lui. Le langage est simple, cru même, et reflète l’ambiance de la vieille ferme où les conversations sont presque inexistantes. La solitude, la douleur et le silence sont devenus les compagnons de Théo, dont l’espoir de s’échapper se fait de plus en plus rare. L’espace accordé à l’intrigue est très réduit ; on passe de la cave au potager, de la remise à la forêt qui entoure directement la vieille ferme, pour retourner ensuite à la cave. Le nombre de personnages est lui aussi très restreint, ce qui donne une impression d’intense oppression. Tout comme Théo, nous comprenons qu’il n’y a pas d’issue. Des nœuds d’acier est un thriller psychologique où toute la violence du huis clos se fait ressentir. Pas besoin de descriptions détaillées ; la suggestion de ce qui arrive au héros est suffisante pour nous glacer le sang. C’est un roman que je recommande aux amateurs du genre qui ne sont pas trop sensibles, car il est tout simplement impossible de ne pas être touché par la cruauté qui se cache dans un endroit tout à fait inattendu. Une intrigue simple, mais extrêmement bien mise en scène ! Je remercie Le Livre de poche pour l’organisation du Prix des lecteurs 2014, dans le cadre duquel j’ai reçu ce roman. ______________________________