Chimio 4 - Des Berthe et des pas mûres

Alors comme ça Berthe, tu me trahis.
Tu piétines notre pacte de non agression à la première occasion.
Tu me plantes un poignard dans le dos, toi qui te loves en mon sein telle une couleuvre.
Celle-ci, je ne suis pas prête à l'avaler. Quelle félonie !
Mais je te reconnais bien là, fourbe que tu es. Tu as patiemment attendu la quatrième chimio pour te rappeler à mes "bons" souvenirs. Je commençais à baisser la garde après avoir passé trois cures sans trop de casse. Tu en as profité, bien joué. Je serai désormais plus vigilante.
Car oui, ça y est, j'ai eu ma première cure de Fec 100.
Après les habituelles injections de cortisone, base et autres, ma petite infirmière a sorti de sa corbeille magique une énorme seringue remplie d'un truc, plutôt visqueux, rouge sang.
Je te laisse imaginer ma tête déconfite…
   - " Imaginez que c'est de la gelée de framboises !" me dit-elle.
Je déteste la gelée et encore plus celle de framboises… bien essayé.
Le produit est froid, je le sens passer dans le tuyau de ma chambre implantable, en haut de ma poitrine. Mon cœur bat un peu plus vite aussi.
Après la perfusion de rinçage, je peux rentrer chez moi. Tant mieux, je suis affamée.
12h30. Je suis attablée et mange de bon cœur.
15h. Je suis prostrée et j'ai mal au cœur.
Pour la première fois de ma vie, je souffre de nausées. Je suis blanche comme un linge, recroquevillée dans un fauteuil en attendant une éventuelle amélioration. J'essaie de boire du coca pour m'hydrater, de discuter avec mes parents qui me tiennent compagnie. Mais le seul fait de parler me donne envie de vomir. Galère.
Belamour rentré et mes parents partis, je file sous la couette. Il est 18h30 et je n'ai qu'une envie : dormir !
Le lendemain, je suis vaseuse et complètement épuisée. Je passe la journée à dormir et comater sous l'œil inquiet de mon petit mari. Je lui répète sans cesse de ne pas s'en faire, que ça va aller. Puis je me rendors.
La faim se fait sentir alors que tout me dégoûte. Enfin, presque. Durant trois jours, je vais me nourrir de biscuits chocolatés (le prince des goûters enfantins) et de lait froid. C'est Rhett Butler - mon chat, pour les novices - qui est content.
Tout rentre dans l'ordre le vendredi midi et je mange comme dix les semaines suivantes.

Lorsque je vois le docteur H. en rendez-vous post-chimio, je lui fais part de mes malheurs. Ni une ni deux, il me prescrit une intraveineuse de Kytril à la fin des deux prochaines cures, pour éviter les nausées entre deux prises de médicaments.
Par contre, il me conseille vivement de manger plus léger après les chimios et de faire une croix sur les sandwiches de charcuterie…
Ca se voit qu'il n'a jamais goûté à la rosette et à la rillette de mon tonton Cacahuète, sinon il ne dirait pas ça. Mais je vais tout de même privilégier les soupes de légumes à l'avenir !
Nous sommes le 9 septembre et j'en vois de toutes les couleurs.