Nicolas Dhuicq : «Plus personne n’a envie d’être maire dans les petites communes»

Publié le 05 février 2014 par Lecriducontribuable

Nicolas Dhuicq nous a accordé cet entretien pour notre numéro de février-mars « Ces maires qui jettent votre argent à la poubelle ». Commander en ligne ce numéro.

Où passe la ligne de démarcation entre le maire d’une petite et d’une grande ville?

Nos métiers sont différents. Dans une petite ville de moins de 3 500 habitants comme celle où je suis élu, le maire a un temps de présence local plus important et se trouve confronté en permanence à des problèmes concrets sans disposer d’une équipe municipale aussi importante que dans une grande ville. Dans les petites communes de 50 à 500 habitants, c’est encore différent.

Avez-vous rencontré des problèmes pour constituer votre équipe municipale ?

J’ai en tout cas été confronté à des difficultés. Il n’est pas facile de trouver des gens compétents et disposant d’assez de temps pour gérer les dossiers. Dans une commune de moins de 3 500 habitants un adjoint gagne 627 euros bruts par mois. C’est peu, au regard de la charge de travail qu’il doit affronter. Généralement, ces postes échoient à des retraités.

Nous risquons d’être confrontés à une surreprésentation de fonctionnaires, pour la plupart de gauche, dans ces petites communes

Que se passe-t-il dans les petites communes de 100 à 300 habitants ?

Je suis inquiet pour ces petites communes car plus personne n’a envie d’y être maire, tant les responsabilités deviennent lourdes. Résultat, ce sont,  généralement, de jeunes retraités de la fonction publique qui sont élus car celles et ceux qui sont en activité n’ont pas assez de temps. A terme, nous risquons d’être confrontés à une surreprésentation de fonctionnaires, pour la plupart de gauche, dans ces petites communes, surtout lorsqu’en périurbain elles accueillent des populations nouvelles.Cette évolution aura un impact sur les sénatoriales.

Etes-vous favorable au cumul des mandats ?

Oui, car c’est la seule manière de conserver des élus qui ne soient pas issus de la fonction publique. Ma formation est celle de médecin psychiatre hospitalier, je n’exerce plus et malgré mon salaire de député, mon objectif est de simplement maintenir le niveau de vie de ma famille. Mon indemnité de maire me permet de rester à niveau. Le Pays a besoin d’avoir des élus compétents avec un bon niveau de formation initiale. Je ne comprends pas pourquoi la loi sur le non cumul des mandats permettrait à un député de siéger au conseil général ou régional, et pas dans une mairie rurale.

L’intercommunalité est-elle un facteur positif pour les petites villes ?

L’intercommunalité est vitale. Un exemple : dans mon village la crèche accueille deux tiers de consommateurs extérieurs à la commune et qui ne participent fiscalement pas à son entretien. L’intercommunalité permet de répartir cet effort financier entre davantage de foyers fiscaux. Idem pour le scolaire, les salles de sport…

Quel est l’impact fiscal de l’intercommunalité pour les contribuables ?

Il faut essayer de le limiter au maximum mais il existe car nous offrons à nos habitants des services modernes qui n’existaient pas, il y a encore peu. A terme, je pense que la fiscalité nationale diminuera mais que la fiscalité locale augmentera. C’est la seule manière d’offrir à nos électeurs le niveau de service dont ils ont besoin.

Etes-vous partisan de la simplification du millefeuille administratif ?

Bien sûr, mais sous certaines conditions. Il ne faut pas que le centre de décision s’éloigne trop, notamment dans un département rural comme le mien. Les simplifications doivent être évaluées en tenant compte de la topographie locale. En Champagne, je pense, par exemple, que les départements doivent être conservés mais que la région peut être élargie. De même, il ne faut pas que l’intercommunalité devienne trop vaste, pour que les centres de décision restent accessibles.

La réforme des rythmes scolaires va occasionner une charge supplémentaire d’environ 100 000 euros pour notre intercommunalité.

Etes-vous favorable au transfert des permis de construire aux communautés de communes ?

Non, en zone rurale je pense que le savoir des habitants est indispensable pour déterminer si telle zone peut devenir ou pas constructible, si elle a déjà été inondée… En zone urbaine, cette approche n’est pas indispensable, à la campagne, si. Confier la gestion des permis à l’intercommunalité reviendrait à se priver de cette approche de terrain.

Quel est l’impact de la réforme des rythmes scolaires sur les petites communes ?

Il est important et préoccupant. Au niveau de l’intercommunalité, nous estimons que cette loi va occasionner une charge supplémentaire d’environ 100 000 euros pour notre secteur. Nous n’avons pas cette disponibilité financière et nous attendons de voir comment l’Etat compensera cette charge financière, ce qui de toute manière représente des impôts supplémentaires pour les entreprises ou les ménages.

Par ailleurs, cette loi désorganise les activités de loisir, par exemple dans le cas de l’école de musique que nous avons créée sur notre communauté de communes. Les familles voient leur temps désorganisé.

Comment assurez-vous la sécurité de vos administrés ?

La gendarmerie fait un travail exemplaire. Elle s’adapte à un type de délinquance occasionnant des enquêtes plus longues qu’auparavant. Pour épauler la gendarmerie, nous avons mis en place une police municipale. Ces deux forces travaillent en symbiose. L’objectif est de persuader les élus de créer une police intercommunale. Leur point de vue sera forcé d’évoluer sous la pression des faits divers. Je pense que la sécurité en zone rurale passe par ce type de solution, indispensable si l’on veut notamment affronter la nouvelle délinquance en provenance d’Europe de l’Est. Il y a désormais trois piliers à la sécurité : la gendarmerie nationale, la police nationale et les polices municipales, mutualisées ou intercommunales si besoin.

Propos recueillis par Didier Laurens.

« Ces maires qui jettent votre argent à la poubelle », Les Enquêtes du contribuable février/ mars 2014 - 68 pages, 3€50.

En kiosque le 31/01/14 et sur abonnement : www.contribuables.org/boutique

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