Technocorps, La sociologie du corps à l’épreuve des nouvelles technologies sous la direction de Brigitte Munier aux éditions François Bourin
Plus vite, plus haut, plus fort. Convoitée de tous temps par les hommes, voilà que l’immortalité pourrait bien se concrétiser grâce au posthumanisme. Terminator avait vu juste, voici venu le temps des « technocorps », de performantes machines défiant les lois naturelles. Une révolution majeure à la hauteur de la découverte du feu, que le dernier ouvrage réalisé sous la direction de Brigitte Munier dépeint avec brio en croisant les regards de plusieurs spécialistes. Si le progrès scientifique permet déjà aux champions olympiques de se surpasser sans cesse (à l’instar des prothèses remplaçant les jambes d’Oscar Pistorius), l’hybridation ne vise plus seulement à réparer la chair mais à l’améliorer. Auto-greffes, cellules souches, bio et nanotechnologies à l’appui, l’homme ne supporte plus d’être vulnérable et rêve désormais d’un corps perfectible et interchangeable à l’infini. A deux doigts de l’hybris, le cyborg ne serait plus une chimère mais seulement une question de temps. Pourquoi se contenter d’être simplement humain alors qu’il suffit de remplacer une pièce détachée pour gagner en puissance ? Du tournevis au coup de « vice ».
Jusqu’ici condition de l’existence de l’homme, voilà que l’incarnation devient celle de ses limites, reflet d’un malaise prométhéen du créateur devant « l’humiliante qualité des choses qu’il a crées ». Fantasme mortifère d’une réalité hors-corps, sans âme et sans saveur, cet « avenir de spectres » (Jacques Derrida) fascine autant qu’il perturbe. Quand le posthumain revendique la liberté morphologique dans une quête d’auto-transformation, « la plus grande peur…est qu’à la fin, la biotechnologie nous conduise, d’une façon ou d’une autre à perdre notre humanité » (Fukuyama, 2002, Our Posthuman Future). Que gagnerait-on à rester humain ? Si l’ouvrage laisse le débat ouvert, l’Histoire a montré maintes fois que Dame nature n’hésite pas à ramener la civilisation à la raison, aussi insatisfaite soit-elle de sa condition.