Par Aurélien Chartier.
Les créateurs du film semblent malheureusement avoir oublié qu’avoir des noms de grands acteurs sur l’affiche ne permet pas toujours de se passer d’un scénario. Celui-ci tient en peu de lignes : les arnaqueurs professionnels Irving Rosenfeld (Christian Bale) et Sydney Prosser (Amy Adams), sous la contrainte de l’agent du FBI Richie DiMaso (Bradley Cooper), tentent de faire tomber dans leurs filets des hommes politiques du New Jersey, afin de les faire arrêter pour corruption. Si la première scène du film nous plonge directement dans l’action, elle est immédiatement suivie d’un long flash-back nous expliquant le passé des protagonistes. Bien que le réalisateur possède un talent certain pour les longues scènes musicales pour recréer l’ambiance des années 1970, il en abuse au point d’oublier de développer son histoire.
A partir de là, le film ne semble être plus qu’un enchaînement de scènes permettant à chacun des acteurs de se mettre en valeur via leurs personnages à l’ego démesuré et qui perdent rapidement pied avec la réalité qui les entoure. C’est bien là l’intérêt principal de ce film, qui a d’ailleurs reçu deux Golden Globes pour les performances des deux actrices principales Amy Adams et Jennifer Lawrence. On peut cependant s’interroger sur la réussite de cette dernière à incarner une mère trentenaire. Sans faire insulte à son talent, son jeune âge la dessert ici par rapport à son rôle.
Un autre problème récurrent tout au long du film est son incapacité à se détacher des grands chefs d’œuvre de Scorsese vers lequel il lorgne d’un œil avide, notamment Casino. La scène de rencontre avec le milieu mafieux américain, où l’on retrouve justement Robert De Niro, est particulièrement révélatrice de cet héritage qu’American Bluff se force à adopter sans en avoir la dimension épique nécessaire. Il en résulte une impression d’incohérence entre les scènes à dimension comique et les autres qui se veulent dramatiques.
Au milieu de cette avalanche de clichés, on ne peut s’empêcher de sourire au développement du personnage du maire Carmine Polito (Jeremy Renner), homme politique magouilleur au possible, avec des liens dans la mafia, qui détourne de l’argent public et encourage des membres du Congrès à prendre des pots de vin. Malgré cela, American Bluff nous le présente comme un père de famille respectable qui est forcé d’agir ainsi afin d’aider ses contribuables. Il devient même le meilleur ami d’Irving Rosenfeld, censé être un arnaqueur sans scrupules !
Il reste toutefois un certain nombre de points positifs, avec plusieurs scènes comiques réussies. Mais, on ressort de ce film avec un sentiment de frustration. Le potentiel était là, il y avait de quoi faire un bon film de gangsters ou un bon film comique. Mais le mélange tenté ici par le réalisateur, avec une touche de scènes « artsy », ne prend pas. Si on ne passe pas un mauvais moment à le regarder, American Bluff risque d’être vite oublié.
— American Bluff, comédie dramatique américaine (sortie le 5 février 2014) de David O. Russell avec Christian Bale, Bradley Cooper, Amy Adams, Jennifer Lawrence, Robert de Niro, Jeremmy Renner. Durée : 2h18.