A propos de Cass. Crim. 10 décembre 2013, Pourvoi n°13-81572
Dans cette affaire, un particulier était poursuivi pour contrefaçon de droit d’auteur, escroquerie et pris du nom d’un tiers, à la suite d’une plainte déposée par la société Microsoft et de plaintes déposées par différents acquéreurs malheureux des logiciels contrefaisants mis en vente par cette personne sur ebay.
En effet, le particulier indélicat proposait à la vente une version de Microsoft Office 2007, qu’il avait copiée et dupliquée en plusieurs centaines d’exemplaires, en contournant les mesures de sécurité par la fourniture d’un code correspondant à une clef d’activation, sans avoir acquis de licence d’utilisation de cette suite Microsoft Office.
La société Microsoft s’était ainsi constituée partie civile pour obtenir réparation du préjudice subi du fait de ces actes de contrefaçon de logiciel (contrefaçon de droit d’auteur) et de contrefaçon de marque.
Toutefois, contre toute attente, la cour d’appel de Bastia a dit n’y avoir lieu d’indemniser la société Microsoft du chef de cette contrefaçon. Selon la cour, la marque Microsoft n’aurait aucunement été altérée et son image n’aurait subi aucune dépréciation, puisque les logiciels contrefaits étaient conformes à l’oeuvre originale.
La société Microsoft forma sans surprise un pourvoi en cassation faisant valoir la violation des principes de réparation intégrale du préjudice causé par une infraction et de l’autorité de la chose jugée au pénal, au visa notamment des articles 2 et 3 du Code de procédure pénale, 1382 du Code Civil et L. 331-1-3 et L. 716-14 du Code de la propriété intellectuelle.
La Cour de cassation rappelle que selon les textes susvisés, « il appartient aux juridictions du fond de réparer, dans les limites des conclusions des parties, le préjudice dont elles reconnaissent le principe ».
Constatant que le prévenu avait été condamné définitivement pour contrefaçon de droits d’auteur et contrefaçon de marque pour avoir dupliqué sans autorisation plusieurs centaines de logiciels et les avoir commercialisés en ligne sous la marque Microsoft, elle en déduit que la Cour d’appel se devait de réparer le préjudice nécessairement subi par la société Microsoft du fait de l’atteinte portée à ses droits d’auteur et à sa marque.
Ainsi, en disant n’y avoir lieu d’indemniser la partie civile du chef de cette contrefaçon, au motif que « les logiciels contrefaits étant conformes à l’œuvre originale, la marque Microsoft n’a aucunement été altérée, de sorte que son image n’a subi aucune dépréciation », la Cour d’appel de Bastia a méconnu le sens et la portée des principes ci-dessus rappelés et des textes susvisés.
La cause et les parties sont donc renvoyées devant la Cour d’appel d’Aix-en-Provence qui devra donc se prononcer sur l’indemnité qu’il convient d’allouer à la société Microsoft en réparation du préjudice qu’elle a subi du fait de la contrefaçon de sa marque.
Pour ce faire, la Cour se fondera sur les dispositions particulières de l’article L. 716-14 du Code de la propriété intellectuelle qui énonce que « pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices réalisés par le contrefacteur et le préjudice moral causé au titulaire des droits du fait de l’atteinte ».
Ce même article prévoit que « la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire qui ne peut être inférieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le demandeur avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte ».
En l’espèce, il semble que cette alternative ne soit pas des plus bénéfiques pour la société Microsoft qui optera très certainement pour une réparation de son préjudice tenant compte à la fois des bénéfices réalisés par le contrefacteur, des pertes (manques à gagner) subies et de son préjudice moral.
Les tribunaux doivent indemniser les victimes de contrefaçon de marque en utilisant ces textes spécifiques, pour que les titulaires de droits de marques bafoués voient leurs droits respectés et protégés et n’hésitent plus à engager les actions judiciaires nécessaires à la défense de leur droit de propriété.