Depuis plusieurs mois, le café-lecture le Remue-Méninges et l’auteur Hélène Amblard organisent des ateliers de libre expression. Une fois par mois, une rencontre a lieu autour d’un thème, en présence d’un invité. Jeudi dernier, il s’agissait de Serge Latouche, pour échanger sur le sujet « Économie et environnement ». Autour d’un plat.
« L’économie, c’est le capitalisme. Elle est née avec, elle mourra avec. » L’économiste et objecteur de croissance Serge Latouche, souriant et un verre de vin à la main, n’y va pas par quatre chemins. Dès les premiers mots de présentation de la soirée, qui fait suite à une conférence à la Médiathèque de Tarentaize, ceux qui ne le connaîtraient pas encore sauront rapidement à quoi s’en tenir. Mais comment un professeur émérite d’économie peut-il parler ainsi de sa propre discipline ? Tout simplement parce que pour lui il ne s’agit pas d’une science mais d’une religion. Il explique avoir « perdu la foi en 1966, au Laos », un an avant de devenir professeur. Dès lors, « comment enseigner la doctrine ? » D’ailleurs, peu d’économistes trouvent grâce à ses yeux : André Gorz, Frédéric Lordon… Que pense-t-il de Jacques Généreux ? « Pas assez radical, trop consensuel. » Du « Manifeste d’économistes atterrés » ? « Atterrant. » Rires. Le ton est donné.
La soirée se déroule autour d’un repas, pour ceux qui ont réservé. « Les autres peuvent rester quand même. » Le principe est aussi simple que convivial : chacun s’installe où il le souhaite, commence à manger puis déménage à une autre table pour continuer le repas. Sur l’estrade à côté de la table où se trouve Serge Latouche, deux personnes lisent son dernier ouvrage, L’âge des limites, confortablement installées dans un fauteuil. « C’est la première fois que je lis un livre en écoutant l’auteur en même temps. C’est marrant. »
Les gens, qui ne se connaissent pas nécessairement, parlent librement. Il ne s’agit pas de débats mais d’échanges, où chacun laisse l’autre s’exprimer avant de prendre la parole à son tour. Il y a là un travailleur social, une acupunctrice, un juriste, un musicien… On n’est pas toujours d’accord mais on va dans le même sens. Le système actuel, celui de l’argent roi et de la finance, n’est plus tenable. Décroissance, néocolonialisme, revenu minimum d’existence, emploi, environnement, les sujets de discussion fusent. Les idées aussi. Sans que personne ne prétende jamais détenir la solution, seulement proposer des alternatives. On se pose beaucoup de questions aussi. Agir seul à sa manière en se mettant « en dehors du système » ? Agir collectivement au niveau de son quartier, de sa commune ? Comment faire quand les décisions qui régissent la vie quotidienne, au niveau local, sont prises au niveau européen, voire international ?
Enfin, la rencontre se termine par la distribution du livret Des mots contre les maux. « S’il y a des traces de rouge dessus, c’est pas grave », a-t-on indiqué en début de soirée. Chacun est invité y à exprimer, en mots ou en images, ce que lui évoquent des thèmes aussi divers et universels que la vie, l’avenir, la colère… Ces ateliers de libre expression feront notamment l’objet d’un ouvrage de Hélène Amblard, à paraître aux éditions Sang de la Terre.
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