Le retour aux affaires du Premier ministre Shinzo Abe s'est accompagné d'une politique économique très expansionniste appelée désormais abenomics. Il faut se rappeler que depuis le second semestre 2012, le Japon traversait une récession économique (que la tragédie de Fukushima a amplifiée) qui se conjuguait avec une déflation quasi permanente depuis 1997.
Évolution de la croissance au Japon
[ Source : http://www.tradingeconomics.com ]
Évolution du taux d'inflation au Japon
[ Source : http://www.tradingeconomics.com ]
Qu'est-ce que les abenomics ?
Shinzo Abe a évoqué "trois flèches" pour redynamiser l'économie japonaise :
* un doublement de la base monétaire d’ici la fin de 2014, ce qui signifie que la Banque du Japon va augmenter ses achats d'obligations d'État et même acquérir des actifs plus risqués (ETF, fonds communs immobiliers,...). Le but recherché est de faire baisser les taux d'intérêt sur les obligations à long terme et de relancer l'investissement. De manière moins avouable il s'agit aussi probablement de déprécier le yen afin de gagner en compétitivité-prix.
* en complément de cette politique monétaire ultra-expansionniste, le gouvernement prévoit plus classiquement de financer de grands travaux
* enfin, il est prévu de prendre des mesures pour soutenir la croissance potentielle, comme par exemple l'incitation au travail des femmes et une réforme fiscale. Mais tout cela reste encore à préciser.
Le schéma ci-dessous (cliquer dessus pour l'agrandir) résume l'effet attendu de ces trois flèches :
[ Source : Les Échos ]
Quels sont les résultats des abenomics ?
Disons-le d'emblée, les résultats sont très positifs à court terme :
* hausse de l'inflation qui sort enfin le pays de la déflation
* taux d'intérêt réels à long terme négatifs
* effets de richesse importants, c'est-à-dire hausse de la consommation et des achats immobiliers liées à la très forte augmentation des cours boursiers et des prix de l'immobilier.
* très forte dépréciation du yen qui améliore la compétitivité-prix et donc les exportations
* hausse des profits des entreprises
Le Japon est-il définitivement tiré d'affaires ?
La réussite de cette politique monétaire à long terme dépendra essentiellement de l'évolution des salaires réels. En effet, on ne construit pas une reprise économique sur de simples effets de richesses comme mentionnés ci-dessus (hausse de la demande tirée par une hausse du prix des actifs).
Il faut un véritable moteur à la croissance et celui-ci ne peut être qu'une hausse des salaires réels, puisque le partage de la valeur ajoutée est déjà fortement déformé au détriment des salariés (et la situation empire...) :
Il n'y a de toute façon pas de sortie de crise possible si les agents économiques n'anticipent pas une hausse de leurs revenus futurs : quel ménage augmenterait sa consommation, quelle entreprise augmenterait ses investissements, s'ils n'espèraient aucune hausse de leurs revenus à venir ?
Pour les entreprises les choses sont bien engagées, mais elles le sont beaucoup moins pour les ménages, d'autant qu'en parallèle le gouvernement a mis en oeuvre une politique budgétaire restrictive afin de faire face au déficit public abyssal et à l'énorme dette publique :
[ Source : Natixis ]
[ Source : OCDE ]
Cela se traduira notamment par une hausse de 3 points de la TVA, qui risque fort de peser sur l'enthousiasme des ménages à consommer et investir à moins d'arriver à
créer les conditions pour que la réduction des déficits publics soit compensée par la baisse du taux d'épargne des ménages. En même temps, la réduction du déficit public primaire nécessaire pour
assurer la solvabilité budgétaire à long terme est tout simplement hors d'atteinte au vu des montants en jeu et du vieillissement démographique, mais c'est une autre histoire...
Quoi qu'il en soit, en définitive, le Japon démontre que pour faire face à une crise, un État doit se servir de toutes les armes de la politique économique :
changements structurels conjugués à une politique budgétaire et une politique monétaire expansionnistes pour soutenir l'activité (et la demande). Et en Europe, on attend quoi ?