Jean Chauma était hier soir l'invité
de Tulalu!? au Lausanne-Moudon et plongé dans la potion magique qui fait le succès des réunions de cette association littéraire présidée par
Carole Dubuis. Le fait est que la salle du premier étage de cette brasserie sise place du Tunnel à Lausanne était comble...
L'auteur était interrogé par Pierre Fankhauser. Des textes, tirés de son dernier livre Echappement libre, étaient lus par Roland Vouilloz et mis en musique par Nicolas Bonstein et Danielle Goren.
Jean Chauma dans ses livres parle de voyous. Les commentateurs ont vite fait, parce qu'il en a été un et parce qu'il a fait de la prison, de dire des histoires qu'il raconte qu'elles sont autobiographiques. Or il n'en est rien. Il se veut romancier et l'est indéniablement.
Lui, le timide, a su écouter en prison les récits de ses codétenus et ce sont leurs histoires transposées qu'il propose à ses lecteurs, avec une dose d'expérience personnelle toutefois, cela va de soi, et des références aux films sur les voyous des années 1960, qui ont nourri ses fantasmes. Si le monde des voyous, qu'il connaît bien, sert de toile de fond à ses histoires, ce ne sont donc cependant que des fictions. La preuve par le sexe.
Dans le monde des voyous il n'était jamais question de sexe sinon pour injurier les autres. Dans le cinéma des années 1960, qui lui était très fidèle, il n'en était pas question non plus - Jean Gabin n'aurait jamais embrassé une femme sur la bouche dans un de ces films. Or, dans les livres de Jean Chauma, il y a du sexe, et du hot, ce qui prouve bien qu'il s'agit de romans...
Jean Chauma connaît bien le monde des voyous et s'irrite de voir les caricatures qui en sont faites. Pour être un voyou, dit-il, il faut avoir un cerveau limité. Quand on fait un braquage, il ne faut pas trop se poser de questions, sinon il n'y a aucune chance de réussite. Le verbe qui représente le voyou n'est pas être ou avoir, mais faire.
Le voyou n'a pas le sens de l'honneur. Il obéit simplement à la loi de la mentalité. Ce sont ses codes qu'il doit observer s'il
veut tout simplement survivre et être respecté.
La prétention de l'écrivain Jean Chauma est d'être passionnant et de mettre son lecteur en situation de ne pas lâcher un de ses livres avant de l'avoir fini. Aussi son style est-il vif, charnel, et va-t-il à l'essentiel avec une grande économie de mots.
Jean Chauma, confie-t-il, a du mal à commencer ou à finir ses récits, mais dans l'entre-deux, une fois lancé, il ne s'arrête
plus, emporté par sa plume, se jouant intérieurement des musiques de film qu'il aime, comme celles d'Ennio Morricone, qui ont bouleversé sa vie. Cet emportement n'empêche
cependant pas une grande maîtrise d'expression.
Pourtant il se dit incapable d'apprécier lui-même la
qualité de ce qu'il écrit. N'a-t-il pas quitté l'école à treize ans? Ne faisait-il pas dans ses débuts une faute par mot? Aussi fait-il confiance à sa correctrice et à son éditeur pour la mise en forme finale...
Jean Chauma explique qu'il n'est pas possible d'être voyou et écrivain à la fois. Pour lui l'écriture n'est pas une thérapie.
C'est en fait, après une thérapie, qu'il s'y est engagé corps et âme, et après voir beaucoup lu. Une manière de se dépasser.
Il faut dire - il a pu s'en rendre compte très vite - que dans le monde carcéral l'écriture est absolument nécessaire pour
obtenir les fournitures les plus prosaïques, telles que des feuilles de PQ (en s'adressant plus que respectueusement au directeur de la prison), pour correspondre avec son avocat ou s'attirer les
faveurs des femmes...
Francis Richard
Ses derniers livres:
Echapppement libre, 200
pages, BSN Press (2013)
Le banc, 112 pages, BSN Press (2011)