Le label indépendant Mello Music Group a connu deux superbes millésimes consécutifs, jugez-en donc : People Hear What They See d’Oddisee, Trophies d’OC & Apollo Brown ou encore Dice Game avec Guilty Simpson pour 2012, et l’album éponyme des Ugly Heroes, The City under the City de L’Orange & Stik Figa, le premier solo d’Uptown X.O. ou encore Quelle Chris et l’album collaboratif de Gensu Dean & Planet Asia en 2013. Jamais a-t-on connu sur la Côte Est un label d’indie hip-hop nous gratifiant d’autant de sorties de cette qualité depuis… Rawkus Records.
Pour commencer en beauté un cru 2014 qui s’annonce riche (ça parle d’un nouvel album des Diamond District et d’un projet commun entre Rapper Big Pooh et le producteur Nottz), MMG (à ne pas confondre avec la concession de Miami) plante le décor avec non pas une, mais deux nouvelles compilations Mandala ("cercle" en sanscrit, NdR) : Polysonic Flows et Todays’s Mathematics.
Vol.1 : Polysonic Flows @@@@½
Ce premier volume compile vingt tracks inédites dont la durée totale correspond à un tour de grande aiguille. Et ça commence d’entrée par "Invisible Walls" un morceau d’Oddisee (la valeur sûre de Mello Music Group) dans un style assez innovant. Que de pépites sur ce volet, où les beatmakers comme les MCs s’illustrent à merveille, ou les deux à la fois, MC & beatmaker, comme Oddisee qu’on vient de voir (il s’illustrer à plusieurs reprises notamment sur "Nothing Has a Never"), mais aussi Quelle Chris (le surprenant "Going Swell" et le final "Money Shot") et Has-Lo par trois fois ("Hard Writer" et son orgue <3). D’autres producteurs s’illustrent sur ce volet, notamment Slimkat78, Jeremiah Jae pour la touche alternative ("A History of Modern Dance"), Duke Westlake, L’Orange ou encore Castle que l’on découvre avec son magnifique "Family Room".
Co-auteur du coup de coeur The City under the City, L’Orange brille en proposant deux instrus qui ressuscitent le jazz sur gramophone avec "You are safe now" (featuring Milo), "The Lost Nova", qui convie un chouette duo formé Mr Lif et John Robinson, ainsi que "Brick Walls & Blurry Faces" avec Blueprint et Castle. Dans les autres highlights de Polysonic Flows, citons "Supreme Codein", "L.I.V.E." avec Akil the MC (Jurassic 5) et la présence cosmique de la funky Georgia Ann Muldrow sur "Lost Chrildren" et "Something Good". On est tellement époustouflé par la richesse et la variété concentrée sur Polysonic Flows que plusieurs écoutes sont nécessaires pour en connaître les moindres recoins. Ce qu’il se fait de mieux en matière de hip-hop indé, c’est dessus.
Vol.2 : Today’s Mathematics @@@@
Il semble évident que la dimension de Mello Music Group est devenue telle qu’un seul volume n’aurait guère suffit. Tous les éléments (volontairement?) absents sur Polysonic Flows se retrouvent sur Today’s Mathematics : l’autre producteur vedette Apollo Brown, 14KT, Audible Doctor, Gensu Dean, Def Dee, Jamall Bufford, les Ugly Heroes sur un beat d’Apollo mais aussi Oddisee ("Low Seratonin")… Là encore la tête pensante Oddisee intervient de manière récurrente et toujours inspiré, même par notre capital comme il le démontre sur l’instrumental jazzy "Le Boulevard Montmartre".
Plusieurs guests extérieurs ont accepté de participer ce volume 2, qui débute avec l’apparition surprise de Fredro Starr des légendaires Onyx. Leur participation est synonyme d’éclectisme. Entre quelques morceaux strictement hip-hop aux scratches bien sentis, l’atmosphère se veut soulful et mélancolique sur "Pain is Gone" de Murs, ou dans un tout autre registre, Muhsinah instaure sa black pop électrique sur "Up". On aperçoit aussi Wise Intelligent à côté d’Has-Lo et Blacastan (AOTP) sur un beat nocturne Gensu Dean. Le funk prend une petite place, comme celle Georgia Ann Muldrow ou de l’instru à-la-J-Dillla de Def Dee pour Jamall Bufford ("Keep it on the Hush").
Today’s Mathematics apparaît là comme un faux-jumeau qui disposerait d’autres gènes du label parent. Personnellement, à ce volet plus axé "boom-bap mais pas que", ma préférence va pour le jumeau n°1, plus recherché. Dans les deux cas, ces deux volumes de Mandala augurent de très belles choses pour 2014.