Présentation de l’éditeur :
Émigré à Paris, Kim s’adresse à son ami d’enfance, Arkadi. Avant d’être séparés à l’âge de quatorze ans, les deux garçons ont grandi ensemble dans un hameau communautaire, non loin de Leningrad.
Kim et Arkadi vivent des années heureuses. Tous deux pionniers dans un mouvement de jeunesse, ils marchent fièrement vers l’horizon radieux que leur promettent les films de propagande, au rythme des chants qui célèbrent les héros de la guerre et la figure mythique du Travailleur. Mais certains silences des parents sont lourds de sous-entendus. Peu à peu émerge en eux le sentiment qu’on les dupe.
Et pour l’adulte aux yeux depuis longtemps dessillés, la nostalgie est double : à celle des scènes de l’enfance que la mémoire baigne d’une lumière neigeuse, vient s’ajouter celle, plus inattendue, de l’époque du mensonge et de l’aveuglement.
Voici encore un roman extrait de ma PAL et lu pour le club de lecture consacré fin janvier à l’auteur Andreï Makine. Lors de cette rencontre, on a beaucoup parlé du Testament français, de La femme qui attendait, de La musique d’une vie, du Livre des brèves amours éternelles… C’est ainsi que je peux écrire que Confession d’un porte-drapeau déchu, deuxième publié par Andreï Makine qui ne connaîtra la reconnaissance et le succès littéraires qu’avec Le Testament français, est un roman plein de promesses.
Les promesses "d’un avenir radieux" que les deux amis d’enfance, Kim et Arkadi, entendent sans cesse dans la bouche des animateurs des pionniers soviétiques, mais aussi les promesses d’une oeuvre encore à ses débuts et dont on retrouvera de nombreuses thématiques dans les romans futurs : l’enfance, l’âme russe profondément ancrée, malgré les lourdeurs du système, chez les habitants de cette cour d’un village tranquille situé à 50 km d’une grande ville (on comprendra bien plus tard qu’il s’agit de Leningrad), les agissements contradictoires et scabreux des hautes sphères soviétiques, l’histoire du pays… et l’écriture déjà accordée à la mémoire, aux souvenirs des saisons, à la nostalgie lucide de Kim, le narrateur.
La vie dans les trois immeubles qui bordent cette cour, les appartements communautaires, les babouchkas qui bavardent sous un arbre, les gens qui s’accommodent des lenteurs et des bizarreries du système m’ont un peu fait penser à Léna de Virginie Deloffre. J’ai aimé aussi la complémentarité des deux enfants avec leur clairon et leur tambour insatiables, de leurs deux pères discrets quant à eux, touchés dans leur chair ou dans leur coeur par l’horreur de la guerre, de leurs deux mères qui finissent par chuchoter un peu de leurs confidences intimes à la fin du roman, dévoilant elles aussi un pan de cette horreur glacée.
Je ne connais pas encore assez l’oeuvre d’Andreï Makine, il paraîtrait que ce roman n’est pas le plus beau qu’il ait écrit mais il est loin d’être déplaisant et offre quelques beaux moments d’émotion.
"Et si, lors de notre réclusion dans le petit réduit, quelqu’un nous avait posé cette question simple : "Au nom de quoi sonne chaque jour le clairon et explose le roulement du tambour ?", la réponse aurait été simple, elle aussi. Nous aurions répondu tout bêtement : "Au nom de notre cour."
Oui, au nom de ces trois bâtisses rouges construites à la va-vite sur un sol encore farci de l’acier de la guerre. Au nom du triangle de ciel au-dessus d’elles, au nom des bancs envahis de jasmin. De la table de dominos. Du Pasage.
Au nom de cet homme au grand crâne pâle, cet home qu’on avait retiré d’un bloc de cadavres gelés. A l’intérieur du bloc que recouvraient lentement les beaux flocons des contes de Noël battait silencieusement un coeur. L’unique coeur vivant de tout le bloc. Il avait eu une chance folle, cet homme, de se trouver à l’intérieur. Protégé par les autres. Par la mort des autres.
Le clairon et le tambour célébraient cette chance folle." (p. 106-107)
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