Le ministre de l'Education nationale est monté au
créneau pour rassurer des parents au sujet d'une rumeur insinuant
que la "théorie du genre" est enseignée à l'école. Pour ceux qui l'ont
lancée, on cherche à gommer les différences sexuelles entre hommes et
femmes. Depuis quelques années, cette idée se répand en France, et le
mariage homosexuel, adopté l'an dernier, lui a donné un coup
d'accélérateur. Elle relève pourtant du fantasme. Mais un fantasme bien
utile, politiquement, pour certains.
La "théorie
du genre" n'existe pas. En elle-même, l'idée tient déjà d'une rumeur, d'une
mauvaise compréhension. Elle puise ses racines dans un domaine d'études
universitaires qui est né aux Etats-Unis et y a connu un certain succès jusqu'aux
années 70 : les "gender studies", littéralement, études sur le
genre.Les chercheurs ont voulu comprendre pourquoi et comment naissent les inégalités sociales entre hommes et femmes. Ils en ont décortiqué les mécanismes dans les champs politiques, sociaux, artistiques, historiques, philosophiques etc. Ces études ont donné lieu à des controverses passionnées entre chercheurs, mais elles n'ont jamais débouché sur aucune théorie politique. Il s'agit d'un domaine d'études universitaires.
Des féministes au Vatican
Toutefois, le féminisme des années 60-70 a commencé à utiliser ces recherches pour contester la domination sociale masculine. Le schéma femmes à la maison-hommes au travail ne reposait sur rien d'autre que des constructions sociales.Avec les mutations dans la structure de la vie familiale, comme la hausse continue du nombre de familles recomposées ou la progression du travail féminin, la crainte d'une disparition du schéma familial traditionnel a commencé à se diffuser sourdement. Des réformes comme le mariage homosexuel l'ont accéléré. Et la prétendue "théorie du genre", qui viserait à gommer les différences entre hommes et femmes, a donné un visage à ces craintes. C'est sur elle, mais sans la nommer, que le pape Benoît XVI fait tomber les foudres vaticanes.
Epouvantail politique
Dès lors, la "théorie du genre" devient un épouvantail politique pour lutter contre des réformes sociales. Dernier exemple en date, l'appel au boycott des classes un jour par mois, lancé par une ancienne militante de la cause "beur" des les années 80, aujourd'hui proche de l'extrême droite. Elle utilise la "théorie du genre" contre un programme scolaire visant à lutter dès le plus jeune âge contre les clichés garçons-filles, qui servent de fondations, à l'âge adulte, aux inégalités sociales hommes-femmes.Par Grégoire Lecalot, Alice Serrano
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