Attendu de pied ferme par tout mélomane aguerri, le collectif londonien franchit dangereusement le cap du deuxième album. Disque mature et complet, intimiste et voyageur, War Room Stories raconte une histoire, celle de cinq garçons surdoués qui arpentent le globe en quête de nouvelles expériences. Contraints de quitter le BretonLab, leur QG londonien menacé de démolition, le groupe délocalise sa production à Berlin. Et c’est dans leur nouvelle tanière allemande, dans les vestiges d’anciens studios abandonnés, que le quintet fait résonner les premières notes de ce deuxième album. Plus qu’un simple disque, ce deuxième opus est le récit en musique du périple de ces jeunes.
A cheval entre un rock hargneux, des nappes électro envoûtantes et la bande son d’un road movie, le style de Breton demeure impénétrable, bien que pas moins jouissif. Alors que le premier épisode : Other’s People Problems laissait déjà pointer ce caractère si particulier, il était encore baigné d’influences diverses. Mais avec War Room Stories le groupe signe un retour des plus marquant, tant par le style désormais inégalable et estampillé « Breton Touch ». Que par la forme : le groupe s’est amusé à livrer en avant première son album à ses fans les plus fidèles, via un jeu de piste organisé par les « Street Team » à travers les grandes villes européennes. Preuve que le groupe est proche de son public et aime cultiver cette image de collectif accessible et militant.
Si l’on pouvait reprocher à Other’s People Problems un caractère bien trempé qui le rendait un peu imperméable à la première écoute, ce deuxième album se veut plus accessible, car plus pop et plus libéré, mais il n’en est pas pour autant moins personnel et profond que son prédécesseur. Bien au contraire, écouter Breton reste toujours une torture de l’esprit, un réel tiraillement de nos sentiments… Décryptage morceau par morceau
Envy :
Ce titre au potentiel tubesque indéniable entame la War Room Story. Emmené par des violons enivrants, Envy marque une ouverture ultra efficace, à la fois orchestral, dansant et teinté d’exotisme le morceau détonne impétueusement dans nos oreilles déjà grandes ouvertes.
S4 :
Titre on ne peut plus onirique, gonflé par des mélodies tantôt orchestrales, tantôt féeriques qui nous rappellent celles de Rone (autre berlinois d’adoption)/ S4 est une belle ballade lyrique.
Legs & Arms :
Morceau plus agressif, où la voix de Roman paraît haletante, l’ensemble est rapide, presque précipité, les cuivres et la basse groovy se jouent des coudes. On pourrait se croire sur un champ de bataille musical.
Got Well Soon :
On retrouve dans Got Well Soon une ombre du premier album, dans ces bribes de paroles et ces bruits de villes peut être… dans les basses lourdes et étirées sûrement.
Stay poor, spend more…
Closed Category :
A coup sûr l’un des titres les plus emblématique de ce nouvel album, épique au possible, tout en laissant pointer une once de nostalgie. Ici encore le violon est à l’honneur, et la construction de ce morceau prouve une nouvelle fois la maturité grandissante de ces garçons.
National Grid :
Là où on pourrait accorder à Breton une courte pause dans la construction de cet album, le groupe nous surprend en rebondissant de plus belle, contribuant ainsi à la continuité de ce deuxième opus.
Search Party :
La voix de Roman prend de l’écho, d’autres membres du groupe semblent l’accompagner au chant. Pour un morceau légèrement plus pop que les autres où les voix paraissent plus travaillées, tout comme dans National Grid, Roman s’aventure dans les aigus sans aucune fausse note et prouve à ses détraqueurs que oui, monsieur à de la voix.
No ears, no eyes, no notes
302Watchtowers :
Un des titres les plus instrumental assurément, la magie de Breton opère : sonorités orientales et saxo chaleureux se rencontrent, sagement dressées par la voix vaporeuse de Roman.
Brothers :
Un brin ténébreux et triste dès les premières notes, Brothers s’exprime dans sa continuité, et c’est vers la fin que Breton s’amuse, sur cette mélodie sautillante et presque enfantine, le groupe s’éprend de quelques envolées funky bien tournées.
Fifteen minutes :
L’album pourrait se clôturer ainsi, par cette montée en puissance absorbante, cette folie furieuse presque inarrêtable qui laisse même pointer un élan de colère en fin de parcours. Avant de lentement laisser place à presque une minute de bruitages urbains…
Mais la fin de l’album apparaît plus expérimentale, Breton s’exprime dans ses retranchements, le groupe termine par deux morceaux des plus étranges, qui semblent se détacher du lot. L’un est noir et oppressant (Port Of Call), l’autre (Convention Centre) vif et ensoleillé, mais volatile, nous laissant ainsi sur notre faim. Comme pour nous montrer que ces génies en n’ont encore sous la pédale, pour nous prouver que leur audace musicale est sans limites. Car désormais les cinq londoniens n’ont jamais si bien porté leur nom, avec Roman Rappak comme icône, War Room Stories comme manifeste, le groupe se place en digne héritier et nouveau chef de file musical de ce courant artistique fondé par notre cher André. Et puis qui sait, après Londres et Berlin, la bande s’enterrera peut être bientôt dans la capitale française, berceau du surréalisme, pour nous concocter un troisième album encore plus excitant.