Gloria

de Pascale KramerRoman - 150 pages
Editions Flammarion - janvier 2013

Michel, travailleur social, a aidé il y a 3 ans la jeune Gloria, alors qu'elle était perdue, enceinte, menacée d'avortement par ses parents. Depuis, Michel ne travaille plus dans ce centre, il a perdu cet emploi suite à des faits graves qui lui ont été reprochés et qui l'empêchent toujours de rentrer en contact notamment avec Gloria et sa fille Naïs. Mais c'est Gloria qui reprend contact avec lui. Elle élève sa fille avec le père, étrange étranger, et espère un coup de pouce pour trouver un nouveau logement. Alors il va l'aider, souvent dérouté par les méthodes éducatives de Gloria, tour tour immature et provocatrice, dérouté aussi par la petite Naïs qui ne semble pas épanouie. Dérouté. Troublé.

Une ambiance malsaine que l'auteure Pascale Kramer se plaît à souvent insinuer. Elle y parvient très bien avec ses descriptions qui insistent sur une attitude, sur un morceau de chair, sur un imaginaire interdit autour de la petite fille Naïs, dans l'esprit de Michel. Ce Michel, personnage principal, on le cerne mal. Est-il victime ou coupable ? A-t-il agit indécemment il y a trois ans ou a-t-il été victimes de témoignages erronés, d'accusations fallacieuses ? Est-il perturbé par l'entourage de fillettes ou arrive-t-il à prendre du recul sur le tort qu'on voudrait lui attribuer ? Le lecteur n'est pas fixé, le lecteur tergiverse devant ce quasi secret médical.

Extrait :"Michel lui demanda si elle voulait qu'il lui lise une histoire, mais sans obtenir en retour qu'un intense regard mouillé. Alors il vint s'asseoir à côté d'elle et lui prit délicatement le livre des mains. Naïs eut une sorte de tic ravi. Elle remua un peu pour venir s’asseoir plus près de lui, le corps d'une raideur de marionnette comme en gage d'obéissance. Michel sentait l'effleurement rugueux du tulle contre sa main, la proximité affolante de sa douceur. De part et d'autre des bretelles trop longues frissonnaient les menues pastilles de des tétons. Sa peau était d'un caramel très soyeux et ses jambes graciles articulées de genoux curieusement ronds. Elle avait un petite croûte sur le tibia qu'elle tenta de gratter du bout de ses ongles coloriés aux feutres de toutes les couleurs."

Les rôles s'inversent. Gloria n'est plus la jeune fille fragile, elle est devenue mère et agit à sa manière, alors que Michel est un autre homme, affaibli, divorcé, dénigré. Sa culpabilité ou non culpabilité passée et présente n'est pas l'objet du livre. Il s'agit plutôt des "ravages du soupçon" sur un homme dont la fonction a été de venir en aide à de jeunes femmes, à éprouver compassion et altruisme envers elles. Au fur et à mesure que le roman progresse, on sort peu à peu de l'entourage étriqué de cet homme presque seul, et on découvre des personnages secondaires intéressants dans la vie de Michel (ex-femme, amis) et de Gloria : ses parents adoptifs, ses amies, sa baby-sitter, son mari. L'image qu'ils renvoient de Gloria n'est pas nécessairement celle que l'on lit en Michel.Roman simple et complexe, vérité effleurée et grattée, Gloria est un roman qui se lit vite, pour que le malaise passe.
L'avis d'Adèle - La terre Adèle lit