A nouvelle année, nouvelle tête pour TEA, et nouvelle rubrique. On va vous proposer de temps en temps (n'allez pas croire que nous sommes capables de tenir un planning régulier) des séries d'articles sur un thème particulier. Le choix du premier dossier à été assez évident pour nous : les fans. On l'a tous été, un peu ou beaucoup, et les prochains posts vous montreront bien la diversité de la chose. Pour ma part, être fan, c'était de l'amour.
D'aussi loin que j'ai eu une mini chaîne hifi, j'ai toujours été fan dans ma tendre jeunesse. Je ne sais pas vraiment pourquoi, mes parents n'ont jamais eu d'artistes préférés - bien que mon père écoutait Patricia Kaas en dilettante (amour éternel pour la chanson "D'Allemagne") - mais j'ai très vite développé des passions pour des chanteurs. Peut être que c'est parce que je m'ennuyais ferme dans mon petit village de l'ouest de la France. Et puis aussi c'était la grande époque de Graines de Star avec Laurent Boyer, du Hit Machine, et de toutes ces starlettes qui explosaient alors qu'elles étaient encore dans la puberté. J'ai tout de suite été fan d'Alizée. Avec mes copines on l'adorait, on la trouvait trop belle, nous mettions nos cheveux derrière les oreilles pour ne garder que deux petites mèches de chaque côté, comme elle. C'est le premier CD album que j'ai acheté. Je me souviens me moquer de mes amies qui préféraient acheter plusieurs singles à trente francs parce que ça coûtait moins cher qu'un album à cent. Je leur avais démontré par a + b, en qualité de première de classe de CM2, qu'à partir du quatrième single, elles se faisaient avoir. Alizée a sorti quatre singles de son album Gourmandises. J'étais un vrai génie.
Juste après, Lorie est arrivée. Je crois que je l'aimais moins qu'Alizée, mais elle est restée plus longtemps en activité, alors je m'y suis mise, toujours avec mes copines. L'avantage de Lorie, c'est que ses paroles nous parlaient beaucoup plus que les textes crypto-chelous-à-références-moitié-salaces que Mylène Farmer refourguait à sa protégée. Elle était pas super belle mais par contre elle savait danser, et je venais justement de m'inscrire en modern-jazz, donc ça tombait plutôt bien. Lorie a joué à Angers à cette époque. Des amies ont pu y aller, pas moi. J'étais extrêmement jalouse le lendemain, quand elles racontaient qu'elles avaient "touchéééé laaaaa maiiiin de Loriiiiiie aaaah !" Crâneuses. Oh, et Lorie, si tu me lis, sache que je suis super triste que tu n'aies jamais répondu à la lettre que je t'avais écrite en CM2.
Tout mon argent de poche était englouti dans l'achat de StarClub, Fan2 et autres Betsy & Gary (ah vous l'aviez oublié celui là hein ?) que je lisais religieusement dès qu'on rentrait du Super U. Dans l'espace, ma passion se traduisait par l'étalement du plus de posters possible sur mes murs avec de la super Patafix qui laissait de vieilles marques jaunâtres dégoutantes ensuite. Je me rappelle le regard désapprobateur de ma mère quand je me suis mise à Britney Spears et que j'ai affiché des photos d'elles dans ma chambre : "Il est un peu court ce tee shirt là, et ce piercing, oh !"C'est vrai que ça doit un peu inquiéter un parent quand sa petite fille se met à aduler une Américaine qui déambule avec un slip par dessus son pantalon taille basse. Je n'imagine même pas ce qu'elle a pensé quand j'ai - brièvement - collé des posters de t.A.T.u. (elles n'étaient pas très habillées sur les photos proposées par Fan2).
Au collège, j'ai laissé tomber les starlettes pour une autre catégorie : les pseudo-rebelles, que je trouvais beaucoup plus intéressants. Au portrait chinois, je répondais "Avril Lavigne !" à la question "Si tu étais une célébrité, tu serais ?" Avril Lavigne était super badass. Elle se moquait de comment elle se fringuait, elle ne traînait qu'avec des garçons, elle faisait du skate et de la guitare, soit ma vie rêvée à l'adolescence. Je m'étais acheté des manchettes rayées en mousse à Claire's pour l'imiter. Pour Avril, j'ai laissé tomber les gros tubes pour me concentrer uniquement sur le ROCK. Le summum du rock à l'époque pour moi étant Kyo. J'étais tellement fan que j'en ai même acheté le single de Sita, la néerlandaise avec qui ils avaient fait "Le Chemin". Je suis contente d'avoir connu Kyo. Ils ont fait une super chanson pour toutes les (pré)adolescentes comme moi qui aimaient déprimer pour rien, juste parce que c'était cool.
Mais je n'ai jamais aimé Kyo ou Avril Lavigne comme cela avait été le cas avec Alizée. Il a fallu attendre que je découvre Muse à treize ans pour trouver mon groupe d'ado. Bien que j'ai encore quelquefois du mal à assumer cette période sombre de ma vie, je dois reconnaitre que j'ai été une fan monomaniaque de Muse. J'ai acheté tous leurs CDs et DVDs live, troqué les Star Club pour des One (qui avaient l'avantage indéniable de proposer également des posters d'Orlando beau gosse Bloom), peint un portrait du chanteur pour mon cours d'arts plastiques, et suis tombée amoureuse du seul mec du collège qui était aussi fan d'eux. Par extension, j'ai mélangé l'affection que je portais au groupe avec l'amour que je ressentais pour ledit garçon. J'étais fan à nouveau. Je n'écoutais qu'eux, tout le temps, regardais leurs clips, en inventais d'autres, me faisais des chorégraphies sur "Time is running out", regardais sur une carte de l'Angleterre d'où exactement ils venaient. La totale.
Pourtant, encore plus que fan, j'étais devenue une connasse avide de ne pas faire comme tout le monde. Alors quand Muse a sorti un nouvel album à la fin de mon collège et que "Starlight" s'est mis à passer partout, au H&M et même à la télé, j'ai abandonné le groupe comme une petite culotte de règles moche et embarrassante. D'un coup, comme ça, comme s'ils m'avaient trahie en devenant un groupe de stades. J'ai cherché des formations plus obscures à écouter. Pas à aduler. Je me disais qu'être fan, c'était puéril, il était temps de grandir. Fini les posters, je ne tolérais que les affiches de concerts auxquels j'avais réellement assisté. J'avais des groupes préférés, mais je n'étais pas fan. Pas obsédée. J'avais des CDs qui tournaient en boucle quelques mois de suite, des crush sur des chanteurs, mais ça s'arrêtait là.
A 18 ans, j'ai eu un retour de fanatisme pour les Horrors. Un jour où j'étais tranquillement sur internet, je suis tombée sur la nouvelle vidéo de "Sea Within A Sea", j'ai regardé, et j'ai cliqué sur replay. Toute une putain d'après-midi.
(Jésus, cette chanson est parfaite.) Et comme ça, d'un coup, je suis devenue fan d'un groupe qui jusqu'alors m'importait peu. J'ai épluché les tréfonds de l'internet pour tout savoir sur eux, téléchargé des démos dégoutantes en .FLAC, regardé toutes les vidéos disponibles d'eux sur Youtube, espionné leurs copines sur Facebook. Je ne pensais plus qu'à eux, n'écoutait plus que ça. C'était ma vie. Je suis allée jusqu'à Bordeaux pour les voir, et c'était magnifique, je me souviens encore de mon émotion ce soir là. TEA existait déjà à l'époque et j'avais réussi à avoir une interview avec eux. Nous y sommes allées avec deux potes, et on faisait clairement pipi culotte. On a interviewé le gentil Rhys, et je remercie le ciel que nous ne soyons pas tombées sur Faris, le chanteur, parce que cela aurait été vraiment embarrassant pour moi. Je ne sais pas comment j'aurais réagi. Il faut ici préciser que j'étais complètement à fond sur Faris Badwan, comme une grosse ado primaire, et passais mon temps à regarder des photos de lui sur le Tumblr Fuck Yeah Faris Badwan. En sortant du concert, j'ai acheté un tee shirt, et c'est resté pendant longtemps la pièce fétiche de ma garde robe. Un mois plus tard, je me suis retrouvée à Londres à une soirée qu'ils organisaient. Rhys m'a reconnue et m'a fait un hug, je n'en pouvais plus, tandis que Faris se baladait seul dans la salle et je n'en revenais pas d'être dans le même lieu que le mec qui officiait comme fond d'écran sur mon portable.
Et puis peu à peu, ma folie Horrors s'est estompée. Je les aime encore beaucoup, mais ne les suis plus avec autant d'assiduité. En fait, je ne suis plus fan de qui que ce soit. Il y a des groupes que j'apprécie et respecte énormément, mais rien de si fort. Je ne serais pas prête à faire des centaines de kilomètres pour voir qui que ce soit. De toute façon la plupart des formations que j'aime profondément n'existent même plus.
Pour moi, être fan, c'est comme tomber amoureux. Ca vient comme ça, un peu de nulle part, et t'absorbe complètement. Tu y penses sans cesse, veux tout savoir sur la personne aimée, tu es heureux rien qu'à l'écouter, rien qu'à la voir sur un bout d'écran. C'est la même candeur et la même légèreté qui sont propres aux débuts des relations sentimentales. C'est irréfléchi. C'est super beau. Je ne sais pas si ça change vraiment quelque chose en toi, mais cela reste une parenthèse agréable, qui sera assimilée à telle ou telle période de ta vie. J'ai été assez inconstante dans le domaine. Comme en amour, la lassitude finit par poindre. J'espère un jour ressentir à nouveau la même chose pour un artiste. Parce que c'est trop grisant cette impression d'avoir à nouveau quinze ans. Et rien que pour ça, je respecte les fans, même les plus extrêmes, même ceux qui aiment des choses que j'abhorre. Parce que je sais qu'ils vivent dans une bien agréable bulle.